Notre humble propos s'exprimera, sur ce sujet abondammment abordé dans
toute l'oeuvre du Docteur Angélique, dans le cadre du livre III de
sa Somme contre les Gentils. Nous n'avons aucunement la prétention
de retravailler les questions abordées par le Maître dominicain ;
laissons nous guider par celui qui, en faisont son métier de sage, a
fait siennes les paroles de Saint Hilaire1 : «Pour moi, ce
dont j'ai conscience d'être redevable envers Dieu, ce qui est par
excellence la tâche de ma vie, c'est que tous mes propos et toutes mes
pensées n'aient qu'un but : le dire2».
Saint Thomas en dialogue avec Maïmonide nous démontre qu'il est
possible, par la voie négative d'un raisonnement logique, de prouver
que Dieu est3. Mais «personne ne peut venir à moi si le père qui
m'a envoyé ne l'attire4».
Constatons que la grâce divine cause en nous la foi (ainsi que la
charité5) car il ne peut y avoir de mouvement volontaire
vers une chose que si elle est connue. Il faut donc que par la grâce
soit fournie en nous la connaissance de la fin ultime, pour que nous
nous dirigions volontairement vers elle. Ainsi «devant l'homme sont la
vie et la mort, le bien et le mal. Ce qu'il aura choisi lui sera
donné6.» Mais «Dieu a enfermé tous les hommes dans la
désobéissance pour faire à tous miséricorde7», ainsi
l'Évangile est le révélateur, en Jésus-Christ, de la miséricorde de
Dieu pour les pécheurs8. Saint Paul affirme : «Où le
péché s'est multiplié, la grâce a surrabondé9.» Mais pour faire
son oeuvre, la grâce doit découvrir le péché pour convertir notre
coeur et conférer «la justice pour la vie éternelle par Jésus-Christ
notre Seigneur10.» Ainsi l'homme ne peut être libéré du péché
que par la grâce11 et il a besoin du secours de la grâce pour
persévérer dans le bien12.
Pourtant la personne humaine, s'enracinant dans sa création à l'image et à la ressemblance de Dieu, s'accomplit dans sa vocation à la béatitude divine. Or aucune substance créée ne peut parvenir par son pouvoir naturel à voir Dieu par essence et en la vision divine se trouve la béatitude de l'homme, aussi appelée vie éternelle. Une telle vision excède l'intelligence et les seules forces humaines de la créature. Il n'est possible d'y parvenir que par une faveur divine, un don gratuit de Dieu. «Si c'est par grâce, ce m'est pas par les oe uvres, autrement la grâce ne serait plus la grâce13.» C'est pourquoi une telle béatitude est dite surnaturelle, ainsi que la grâce qui dispose l'homme à entrer dans la jouissance divine.
Saint Thomas a écrit cette parole qui le définit si bien :
«La grâce fait donc de l'homme un amoureux de Dieu.»
Article paru dans Sénevé
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