Encore un peu de poésie


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COUVRE-FEU

Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée

Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés

Paul Eluard

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À la mémoire de Zulma vierge folle hors barrière et d'un Louis

Elle était riche de vingt ans,
Moi j'étais jeune de vingt francs,
Et nous fîmes bourse commune,
Placée, à fond-perdu, dans une
Infidèle nuit de printemps...

La lune a fait un trou dedans,
Rond comme un écu de cinq francs,
Par où passa notre fortune :
Vingt ans ! vingt francs !... et puis la lune
En monnaie - hélas - les vingt francs
En monnaie aussi les vingt ans !
Toujours de trous en trous de lune,
Et de bourse en bourse commune...
- C'est à peu près même fortune !

- Je la trouvai - bien des printemps,
Bien des vingt ans, bien des vingt francs,
Bien des trous et bien de la lune
Après - Toujours vierge et vingt ans,
Et... colonelle à la Commune !

- Puis après : la chasse aux passants,
Aux vingt sols, et plus aux vingt francs...
Puis après : la fosse commune,
Nuit gratuite sans trou de lune.

Tristan Corbière

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L'ADIEU

J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends.

Guillaume Apollinaire

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NUIT RHENANE

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

Guillaume Apollinaire

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SI JE MOURAIS LA-BAS

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier

Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté

Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

Ô mon unique amour et ma grande folie


L a nuit descend
O n y pressent
U n long destin de sang


Guillaume Apollinaire

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JE T'AIME TANT

Mon sombre amour d'orange amère
Ma chanson d'écluse et de vent
Mon quartier d'ombre où vient rêvant
Mourir la mer

Mon beau mois d'août dont le ciel pleut
Des étoiles sur les monts calmes
Ma songerie aux murs de palme
Où l'air est bleu

Mes bras d'or mes faibles merveilles
Renaissent ma soif et ma faim
Collier collier des soirs sans fin
Où le coeur veille

Est-ce que qu'on sait ce que se passe
C'est peut-être bien ce tantôt
Que l'on jettera le manteau
Dessus ma face

Coupez ma gorge et les pivoines
Vite apportez mon vin mon sang
Pour lui plaire comme en passant
Font les avoines

Il me reste si peu de temps
Pour aller au bout de moi-même
Et pour crier Dieu que je t'aime
Je t'aime tant, je t'aime tant


Louis Aragon

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Fouir cette terre ridée
Macher le feu en fuite sous la peau
L'éclater
Qu'il se répande Furie
Vague saoule de couteaux
Croire enfin
Lorsque toute raison de croire n'est plus
Donner
Puisque nous voilà déshérités
Jeter au-devant de soi
L'os
La pulpe
Le fruit
La graine tendre
Prometteuse de survivance


poème étudiant, 1968

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A strange passion is moving in my head
My heart has become a bird
Which searches in the sky.
Each part of me goes in different directions.
Is it really so
That the one I love is everywhere?


Rumi

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Lo, I am come to autumn
When all the leaves are gold-
Grey hairs and golden leaves cry out
The year and I are old:

In youth, I sought the prince of men
Captain in cosmic wars-
A titan, even the gods would show
Defiant to the stars.

But now, a great thing in the street
Seems any human nod
Where move in strange democracy
The million masks of God.

In youth, I sought the golden flower
Hidden in wood or wold-
But, lo, I am come to autumn
When all the leaves are gold.


(je ne sais pas à qui est ce poème, on me l'a envoyé)
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La Poésie

et ce fut à cet age... La poésie
vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d'où
elle surgit, de l'hiver ou du fleuve.
Je ne sais ni comment ni quand,
non, ce n'étaient pas des voix, ce n'étaient pas
des mots, ni le silence:
d'une rue, elle me hélait,
des branches de la nuit,
soudain parmi les autres,
parmi les feux violents
ou dans le retour solitaire,
sans visage elle était là
et me touchait.

Je ne savais que dire, ma bouche
ne savait pas
nommer,
mes yeux étaient aveugles,
et quelquechose cognait dans mon ame,
fièvre ou ailes perdues,
je me formais seul peu à peu,
déchiffrant
cette brulure,
et j'écrivis la première ligne confuse,
confuse, sans corps, pure
anerie,
pur savoir
de celui-là qui ne sait rien,
et je vis tout à coup
le ciel
égrené
et ouvert,
des planètes,
des plantations vibrantes,
l'ombre perforée,
criblée
de flèches, de feu et de fleurs,
la nuit qui roule et qui écrase, l'univers.

Et moi, infime créature,
gisé par le grand vide
constellé,
à l'instar, à l'image
du mystère,
je me sentis pure partie
de l'abime,
je roulai avec les étoiles,
mon coeur se dénua dans le vent.


Pablo Neruda

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Maintenant j'ai grandi

Enfant
j'ai vécu drolement
le fou rire tous les jours
le fou rire vraiment
et puis une tristesse tellement triste
quelquefois les deux en même temps
Alors je me croyais désespéré
Tout simplement je n'avais pas d'espoir
je n'avais rien d'autre que d'être vivant
j'étais intact
j'étais content
et j'étais triste
mais jamais je ne faisais semblant
Je connaissais le geste pour rester vivant
Secouer la tête
pour dire non
secouer la tête
pour ne pas laisser entrer les idées des gens
Secouer la tête pour dire non
et sourire pour dire oui
oui aux choses et aux êtres
aux êtres et aux choses à regarder à caresser
à aimer
à prendre ou à laisser
J'étais comme j'étais
sans mentalité
Et quand j'avais besoin d'idées
pour me tenir compagnie
je les appelais
Et elle venaient
et je disais oui à celle qui me plaisent
les autres je les jetais

Maintenant j'ai grandi
les idées aussi
mais ce sont toujours de grandes idées
de belles idées
d'idéales idées
Et je leur ris toujours au nez
Mais elles m'attendent
pour se venger
et me manger
un jour où je serai très fatigué
Mais moi au coin d'un bois
je les attend aussi
et je leur tranche la gorge
je leur coupe l'appétit.


Jacques Prévert

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Entre les rangées d'arbres de l'avenue des Gobelins
Une statue de marbre me conduit par la main
Aujourd'hui c'est dimanche, les cinémas sont pleins
Les oiseaux dans les branches regardent les humains
Et la statue m'embrasse mais personne ne la voit
Sauf un enfant aveugle qui nous montre du doigt.

(je crois que c'est Prévert, c'était affiché dans le métro par la RATP)
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Scintillate

I have outlived
my wild youth
so a quiet life for me.
Where once i used
to scintillate
now i sin till
ten past three.

Roger McGough

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I almost went to bed
without remembering
the four white violets
I put in the button-hole
of your green sweater

and how I kissed you then
and you kissed me
shy as though I'd
never been your lover

Leonard Cohen

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Personne n'est dépourvu d'intérêt,
leur destin est tel la chronique des planètes.

Rien en eux qui ne soit particulier,
comme planète diffère d'autre planète.

[...]

Et si un homme vivait dans l'obscurité
et dans cette obscurité se faisait des amis,
eh bien, l'obscurité est bonne!

[...]

Et chacun a son monde bien à lui
et dans ce monde la merveille d'une minute
et dans ce monde le tragique d'une minute,
ce sont ces biens à lui.

extraits de "les Gens" d'Evgueni Evtouchenko, cité par Ivan Illich, malheureusement je n'ai pas la totalité de ce poème

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Dudas?
O acaso disimulas
el jesto de la alegria?
Pareces no estar aquì,
sino en un plano astral
donde navegas entre aguas ajenas de vid.
Y es mejor asì,
o sabras que tierra pizas
al sentir su ironia.
Puedes estar aquì o allà
no importa,
sucume al tiempo,
mas nunca olvides
que eres fruto de la tierra.

Gustavo Medina (éducateur de Casa Alianza), 04.04.2003, écrit pour moi un matin sur un trottoir hondurien

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