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De la souffrance à l'espérance : une leçon de vie





Agnès Franconnet

Aller de la révolte à la renaissance au-delà et en dépit de la souffrance physique et morale : telle est la leçon de vie que délivre S., depuis l'Hôpital qu'elle n'a pas quitté depuis plus de six mois.

« C'est parce que j'ai la foi que j'arrive à tenir ». Et que cette foi soit musulmane n'en ôte ni la valeur ni la force : la vie y trouve aussi sa source.

Retrouver régulièrement S. pour lui donner des cours a été pour moi un véritable bouleversement, qui m'a mise en face d'une réalité qu'on aimerait tellement occulter : celle de la faiblesse de notre corps, celle de l'absurdité révoltante de la souffrance. Et au coeur même de ce bouleversement, c'est un cheminement d'espérance que S., au fil des semaines, m'a amenée à voir.

J'ai choisi de ponctuer ce témoignage de quelques phrases d'une prière de Mère Teresa, « La Vie...», qui répond de manière très simple, (et très exigeante !) aux tentations du désespoir.

L'Hôpital, c'est un autre rythme de vie, et, vu de l'extérieur, c'est un rythme languissant et monotone, entrecoupé par les passages des médecins et infirmiers, sur fond de télé omniprésente. Cochin est immense, les pavillons nombreux, les chambres froides et anonymes. Après une heure de cours, retrouver « l'extérieur », c'est un peu comme changer d'univers, et on respire un grand coup !

Alors, la vie en hôpital, c'est la vie en vase clos ? Pas si sûr.

Dans la chambre de S., il y a presque toujours un membre de sa famille, sa soeur, ses oncles, ses cousins, qui se relaient pour les visites : l'amour familial est palpable.


La vie est amour, jouis-en.

Malgré la fatigue due aux soins, S. s'accroche pour perfectionner son français et son anglais, et devenir, comme elle me le confie, hôtesse de l'air, puisqu'elle a l'avantage d'être déjà bilingue.


La vie est un rêve, fais-en une réalité.

Depuis son opération, ce rêve professionnel est définitivement détruit, mais elle repart de plus belle : « Explique-moi tous les temps du français, je veux savoir très bien le parler. » Elle se motive aussi pour rattraper l'année scolaire perdue.


La vie est un rêve, fais-en une réalité.

Depuis son opération, ce rêve professionnel est définitivement détruit, mais elle repart de plus belle : « Explique-moi tous les temps du français, je veux savoir très bien le parler. » Elle se motive aussi pour rattraper l'année scolaire perdue.


La vie est un défi, fais-lui face.

Ces moments d'espérance ont été assombris par de longues périodes de désespoir. À l'approche d'une opération extrêmement lourde, plus question de travailler. S. me dit qu'elle n'a vraiment pas la tête à ça, et elle essaie de reporter son attention vers la télé, histoire de penser à autre chose. On discute un peu, et elle répète à plusieurs reprises : « La vie est vraiment injuste. »

Que répondre à cela ? Je me sens nulle, démunie.


La vie est une tragédie, prends-la à bras-le-corps.

Quelque temps après l'opération, je lui téléphone pour fixer une heure de cours ; j'ose à peine demander des nouvelles de sa santé. Mais elle : « Ca va, j'ai la pêche ! »

Elle n'est pas guérie, loin de là, mais elle rayonne. Elle plaisante avec les infirmiers, rit, bavarde, malgré la douleur persistante. À la fin d'un cours, nous en arrivons, de fil en aiguille, à parler religion. « J'ai la foi, c'est ça qui me fait tenir, et je suis contente que Dieu m'ait choisie pour cette épreuve plutôt que quelqu'un de ma famille. »

Certes, voilà qui n'est pas très « catholique » (Dieu ne nous « distribue » pas ainsi notre part de souffrance), mais la beauté de cette foi qui se fait acceptation de l'inacceptable force l'admiration. Détail amusant et touchant, elle a épinglé sur sa chemise une médaille de la Vierge, offerte par une religieuse.


La vie est un combat, accepte-le.

Impersonnelle, la vie à l'Hôpital ? S. me montre les photos qu'elle a prises dans sa chambre, avec les infirmiers, avec des malades, tout sourires.

« Sur cette photo, c'est moi, en train de danser », sourire jusqu'aux oreilles, accrochée à sa béquille.

Magnifique signe d'espérance que de voir cette malade, affaiblie, exprimer avec son corps souffrant la vie dans son exubérance.


La vie est promesse, remplis-la.


La vie est un hymne, chante-le.

A.F.


Hôpital Cochin


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