Renaissance d'une foi

Les studites du Monastere Univien de l'Assomption de la Vierge Marie

Andrzej Szeptycki



Au pied des collines au sud de Lviv en Ukraine Occidentale se situe Univ - un petit village, où il n'y a rien sauf un arrêt de bus, un magasin toujours fermé et quelques dizaines de cabanes. Trois kilomètres plus loin, après une petite chapelle, le voyageur découvre un autre monde. C'est ici qu'entre les collines boisées se trouve le Monastère Univien de l'Assomption de la Vierge Marie (Sviatouspenska Univs'ka Lavra), qui appartient depuis sept siècles a l'ordre des studites. Au centre du monastère construit aux XVIIe et XIXe siècles se situe une petite église ornée de fresques orientales. Le temple est entouré par les puissants murs du monastère où vivaient jadis 100 à 200 moines. Au dessous du monastère jaillit une source qui est considérée par les croyants comme une source miraculeuse. Derrière il y a des bâtiments qui appartiennent au monastère - les étables, les granges, les ateliers, puis les ruches, d'où provient le miel univien, les champs et les viviers.



Les moines qui habitent à Univ appartiennent à l'ordre des studites qui a été créé au VIIIe-IXe siècle par Théodore Studite à Constantinople. Les studites sont venus en Ukraine aux Xe et XIe siècles. Au début leur centre fut le Monastère des Cavernes (Lavra Petcherska) à Kiev, puis ils se sont installés a Univ. Le monastère univien est le centre de la lavra univiene, c'est-à-dire de l'ensemble des monastères de studites, qui se trouvent dans les différentes villes d'Ukraine Occidentale et qui sont dirigés par le prieur (ihumen) et l'abbé (archimandryta).



D'autres studites ukrainiens vivent aussi au-dehors de l'Ukraine - en Italie et au Canada. Au total il y en a maintenant un peu plus de cent dans le monde entier.



Le sort n'a pas été favorable à l'ordre des studites. D'abord il a été détruit par les Mongols, puis beaucoup de ses traditions orientales ont été oubliées après l'union de Brest (1596), quand une partie de l'Église en Ukraine admit la supériorité de Rome et forma l'Église ukrainienne grecocatholique. Enfin le monastère a été fermé par les Autrichiens (1787). L'ordre a été restauré a la fin du XIXe siecle et il a prospéré pendant l'entre-deux-guerres en Pologne comme un ordre de paysans ukrainiens.



Le pire est venu quand l'Ukraine Occidentale a été rattachée à l'URSS pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les propriétés de l'ordre ont été confisquées (1939), puis l'Église grecocatholique a été déclarée illégale (1946) et les répressions ont commencé. Le prieur Klimentiy agé de 80 ans fut tué en prison. Les autres moines furent emprisonnés ou déportés parce qu'ils ne voulaient pas abandonner leur patrie et leur foi. Les archives et les trésors ont été confisqués, la bibliothèque brûlée et l'église démolie. Les communistes ont même changé le nom du village, qui allait s'appeler desormais non Univ, mais Mijhirya. Les bâtiments du monastère ont servi d'abord à un hospice, puis à un établissement psychiatrique.



Malgré cela l'ordre a toujours existé dans la clandestinité. Les vieux moines se rencontraient en secret et célébraient les messes tout en se faisant passer pour de simples paysans ou ouvriers. Ils transmettaient aussi les traditions studites aux jeunes hommes, qui devenaient de nouveaux membres de l'ordre. Jusque dans les années 80 les Soviétiques faisaient tout pour détruire et compromettre l'Église grecocatholique, qui était un rempart pour les indépendentistes ukrainiens.



L'ordre des studites fut restauré pour la seconde fois en 1990. Il a récupéré le monastère univien, qui avait été totalement dévasté par les Soviétiques et qui a pu être reconstruit grâce à l'aide des Ukrainiens et des organisations charitables d'Europe Occidentale et d'Amérique. Ils ont aussi reçu a Lviv et a Pidkamin' des monastères qui appartenaient avant la guerre aux dominicains et aux carmélites, qui ne peuvent plus les entretenir aujourd'hui.



À présent il y a de plus en plus de studites, qui sont en général originaires de l'Ukraine Occidentale. Il y a d'abord une quinzaine de moines, qui sont devenus des studites avant 1939. En général ils sont déja "en retraite", mais ils sont très respectés, comme le père Porphyre, qui est un excellent confesseur et exorciste. Il y a ensuite ceux qui sont devenus moines pendant les temps de l'URSS, quand c'était strictement interdit par les communistes. Enfin il y a de plus en plus de jeunes garçons qui ont été admis apres 1990.



La majorité des moines sont des paysans, qui après leur admission dans l'ordre passent leur vie à prier et à travailler - ils s'occupent de la ferme univienne, rénovent le monastère, prennent soin des orphelins de la région. La majorité des moines sont des "frères", qui ne deviennent pas prêtres. Seulement les plus doués sont envoyés à l'Ouest pour faire des études avant de devenir des "pères". Ces prêtres forment avec les vieux frères un conseil, qui prend les décisions les plus importantes pour le monastère. Outre le conseil, le monastère est dirigé par le prieur. Depuis 1990 jusqu'au 1999 ce poste fut occupé par le père Sébastien, qui tout en étant moine fut un excellent administrateur, grâce à qui la lavra univienne a prospéré et est redevenue un centre important de l'Église grecocatholique en Ukraine.



Le monastère est, comme autrefois, un centre important de la culture sacrale. Il est en possession d'une collection importante d'icônes, dont les plus anciennes datent du XIVe siecle. À Lviv les studites ont une maison d'édition, Svitchado, qui publie depuis neuf ans des livres sur la théologie, l'éthique, l'histoire de l'Église et la loi canonique. Le traditionnel chant oriental joue aussi un rôle important dans la vie du monastère. Les moines ne chantent pas seulement des chants ukrainiennes et ruthènes, mais ils redécouvrent aussi les anciens cantiques, chantés autrefois par les chrétiens en Grèce et au Moyen-Orient.



L'ordre des studites fut autrefois un ordre contemplatif, mais aujourd'hui ils jouent un rôle important au sein de la communauté grecocatholique. Les moines de Lviv, surtout le pere Joseph, s'occupent des étudiants de Lviv, qui appartiennent a l'organisation Obnova (la Renaissance). À Univ il existe un orphelinat pour les enfants de la région, tandis que chaque année le monastère de Jaremtche, qui se situe dans les montagnes, accueille des enfants pauvres qui vont y passer leurs vacances. De plus, en cette période de crise économique en Ukraine, le monastère aide les pauvres en leur donnant de l'argent ou de la nourriture ou même en les envoyant en Europe Occidentale se faire soigner dans les hopitaux.



L'année dernière, le jour de l'Assomption de la Vierge Marie, il y eut une grande fête à Univ, pour commémorer le centième anniversaire de la restauration de l'ordre des studites. Cette fête a réuni quelques centaines de croyants, plusieurs hiérarques et fonctionnaires ukrainiens, qui se sont retrouvés à Univ pour fêter le renouvellement de l'ordre des studites, qui malgré les Mongols, les Autrichiens et les Soviétiques depuis sept cents ans adorent Dieu en chantant:




Wiruju w jedynoho Boha Otcja, wsederytelja, tworcja neba i zemli. i wsoho
wydymoho i newydymoho. I w jedynoho Hospoda Isusa Chrysta, Syna Booho,
jedynorodnoho, wid Otcja, rodenoho pered usima wikamyy

A.S.

Article paru dans Sénevé


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