Introduction à la question générale de l'Église
Notes de l'Armothéo du 14 octobre 1999
Anne Robadey
l'Église n'est pas une société
Ce qui a suscité les persécutions, c'est la distinction que font les
chrétiens entre le culte et la vie sociale, entre le temporel et le
spirituel, distinction qui motive leur refus de participer aux cultes
municipaux1 : les chrétiens acceptent de prier pour l'empereur,
mais pas de participer à un culte pour/de l'empereur. Le problème posé est
du même ordre que celui posé par la constitution civile du clergé à la
révolution : c'est une tentative d'insérer l'Église dans la société
civile.
Au début du XVIIème siècle, R. Bellarmin définit l'Église comme une
"société parfaite". Attention, "parfaite" n'est pas ici à prendre au sens
de la perfection, mais signifie que l'Église se suffit à elle même, est
complète en elle-même, détachée de l'État, et n'a pas besoin d'être
incluse dans l'État pour survivre. Cette définition pose un problème
d'interprétation : suite à cela, on a fait de l'Église une sorte de
société parallèle.
Isodore de Séville2, au XVIIème siècle, rend classique deux
définitions de l'Église : l'Église qui convoque et qui rassemble d'une
part, l'Église qui est convoquée et qui est rassemblée d'autre part. Ces
deux sens existent déjà chez saint Paul, saint Augustin, saint Thomas
d'Aquin.
l'Église est un mystère
C'est le mystère de l'alliance de Dieu avec son peuple, avant d'être une
organisation humaine hiérarchique. c'est ainsi qu'on peut parler de
"l'Église avant l'Église", et distinguer trois temps de l'Église :
- l'Église sous la loi, dans l'Israël de la chair, avant le Christ.
- l'Église dans la présence sacramentelle du Christ, depuis l'incarnation
jusqu'à la fin du monde.
- l'Église du ciel auprès de Dieu.
Dit autrement : l'ancienne loi en est la figure, dans l'Église nous en
avons le sacrement3, le signe efficace, dans le ciel la
réalité.
L'Église est le corps du Christ, réalité humano-divine, rassemblement de
ceux qui sont appelés par Dieu pour faire un peuple. On peut ainsi
comprendre la formule de de Lubac : "L'Église fait l'Eucharistie, mais
l'Eucharistie fait l'Église." Le terme de "corps mystique", qui désigne
l'Église, a d'abord été appliqué à l'Eucharistie. C'est dans le
rassemblement des fidèles conviés par Dieu, dans le sacrement de
l'Eucharistie, que se constitue l'Église, corps du Christ.
l'Église et la foi
Nous professons dans le credo, "credere in Ecclesiam" : dans l'Église.
L'objet de notre foi c'est Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, mais pas
l'Église. l'Église est d'abord une Église qui confesse la foi par les
martyrs, et c'est le fait de croire, de confesser la même foi qui
constitue l'Église. l'Église n'est pas Dieu, mais c'est parce que nous
professons la foi en Dieu que nous sommes dans l'Église. En témoignent le
symbole d'Hyppolyte, une source très ancienne qui dit : "je crois en Dieu,
le Père, le Fils, le Saint Esprit" puis en conclusion "je professe cette
foi dans l'Église" ; de même que la liturgie du baptème : "telle est
notre foi, la foi de l'Église que nous venons de proclamer" ; et encore
"l'Église dans laquelle tout homme est baptisé".
Église et temporalité
Au IIème siècle, le pasteur d'Hermas voit une femme agée au visage de
jeune fille et explique : "C'est l'Église car elle a été crée première
avant toute chose." Ainsi l'Église existe dès avant la création du monde,
comme écrit saint Paul : "choisis dès avant la création du monde pour être
saints et sans péché devant Sa face" mais elle est aussi celle dont le
règne n'aura pas de fin. Comme Jésus l'a fait dans le mystère de
l'incarnation, l'Église vit notre temporalité, mais elle tend vers le
Royaume, l'Église du ciel. Sous sa forme actuelle, elle passera avec le
monde, de même que tout ce qui pour nous est temporel, saisi dans les
réalités du monde (l'eau, le pain, le vin) s'effacera au ciel devant la
réalité de ce que ces sacrements (le baptème, l'eucharistie, et l'Église
elle-même en temps qu'elle est "sacrement de salut") signifient pour nous.
A.R.
Article paru dans Sénevé
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