Ce texte est tiré des Notes intimes, écrites a partir de 1920, au milieu d'une crise religieuse ; il est proposé à notre lecture par Marie Langlais.
Seigneur, comme l'époux amène sa jeune épouse dans la maison qu'elle ne
connaît pas et que la belle-mère gouverne, tu m'as emmenée pour vivre avec
toi dans la maison de Mère Église.
La jeune épouse doit vivre avec sa belle-mère, et la loi de la belle-mère
est souvent plus dure que celle de l'époux.
La belle-mère parfois commande plus qu'elle ne devrait, elle abuse de
son âge, de son expérience, de son autorité, du respect qu'elle inspire.
Et la petite bru la craint. Elle n'ose pas respirer à sa guise à côté
d'elle.
Mais, pour l'amour de l'époux, silencieuse, elle se soumet.
Ainsi, Seigneur, chez Mère Église je n'ose guère être moi-même. Je me
tais. J'ai peur d'elle dès que je pense - je redoute ses mains humaines
qui sont dures et inflexibles - mais pour l'amour de Toi, Seigneur, je
ferai tout ce qu'elle voudra.
Il est bon qu'elle me surveille et qu'elle m'empêche d'être un peu folle,
trop légèrement, à tes côtés, comme une petite fille sans savoir ni
sagesse. Elle sait mieux que moi ce qui convient.
Mais, ô Toi, mon Seigneur que j'aime, Toi, en qui j'ai ma seule défense,
dis-lui qu'elle ne serre pas trop, sur ma poitrine, ses mains puissantes,
dis-lui qu'elle me laisse respirer un peu.
Si Tu le lui dis, mon Seigneur, elle t'écoutera, Toi, qu'elle aime, elle
m'épargnera a cause de Toi.
Et nous nous aimerons l'une l'autre, parce que nous T'aimons et que Tu
nous aimes.
Article paru dans Sénevé
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