I was seventeen when we first met; he had been dead for 1564 years,
but I immediately knew he had something different to tell me:
something special about my own life and his, about a friend of ours
who had come to share our lives, to help them up from the depths of
sin and to restore us in His likeness.1
Ces préoccupations peuvent paraître bien éloignées de la recherche scientifique; pourtant, il n'y pas de vulgarisation sans science à diffuser, et l'analyse des oeuvres et des sources permet une compréhension plus intime encore de la pensée d'un auteur. Le travail intellectuel nourrit la vie de foi, même si elle doit reposer d'abord sur la prière, la vie ecclésiale, les sacrements, sous peine de se voir parasitée: on peut se surprendre, en pleine prière, à se demander si l'interprétation de ce verset par Untel6 lui vient de tel ou tel de ses contemporains... Mais on peut aussi contempler Dieu en direct en lisant Plotin en bibliothèque, si l'on se donne les moyens d'entrer dans sa pensée. La grande originalité des études patristiques7, c'est que la vérité scientifique qu'elles tentent d'approcher est à la fois très humaine et transcendante8: leur objet est d'ordre historique, mais c'est l'histoire de la foi, de sa transmission, de son approfondissement, de sa croissance dans l'humanité. Les grands philologues qui ont fondé cette discipline en France au \textsc{XVII}\ieme siècle étaient bénédictins, de la congrégation de Saint-Maur fondée ad hoc9; depuis, foi et rigueur scientifique se sont toujours épaulées pour une exploration plus fine des oeuvres des Pères, et une meilleure connaissance des origines du christianisme. Il ne s'agit pas d'une quête désincarnée, coupée des soucis du monde: rejoindre nos frères d'il y a mille cinq cents ans dans leurs préoccupations parfois éloignées des nôtres force à l'ouverture, et la foi radicale des Pères nous oblige à prendre au sérieux le message chrétien: je voudrais évoquer ici les noms d'Henri-Irénée Marrou et André Mandouze, de grands augustiniens qui, en leur temps, se sont élevés contre la pratique de la torture en Algérie.
La patristique, science humaine et divine, a ceci de particulier
qu'elle déborde les cadres disciplinaires: la lecture des pères
requiert des méthodes et des connaissances principalement d'ordre
philologique, historique et philosophique, mais aussi exégétique,
théologique ou tout simplement littéraire et stylistique. Notre école
devrait donc être le lieu idéal pour former des patristiciens et
patristiciennes, puisque enfin la fameuse «interdisciplinarité» doit
bien trouver où s'appliquer! Mais il faut des années, sauf pour les
mieux doués dont je ne fais pas partie, avant de pouvoir s'avouer
compétent en ce vaste domaine: heureusement, c'est aussi une science
bien humble, qui met ses pas dans les traces de ceux qui nous ont
précédé dans la foi, une théologie réelle qui n'a rien à inventer ni à
prouver, mais s'emploie à discerner tous les rameaux que l'Esprit
Saint a fait croître au coeur des hommes.
Je me suis lancée dans l'étude d'Augustin touchée par la beauté qui
émanait de son oeuvre, par la fraîcheur et l'authenticité de cette voix
venue d'au-delà des siècles, et qui nous parle de manière neuve et
ancienne du mystère de l'Amour de Dieu pour l'humanité; le cadre
universitaire me permet de poursuivre cette recherche sans trahison,
dans la mesure où la vérité scientifique de mon objet est une histoire
de foi. La sympathie pour l'objet de la recherche n'est pas ici une
entrave, mais une manière de mieux atteindre l'intimité d'une oeuvre;
j'ai dû reconnaître aussi que cette recherche exigeait des efforts,
qu'elle constituait une forme d'ascèse:
«Mon fils, dès ta jeunesse choisis l'instruction,
et jusqu'à tes cheveux blancs tu trouveras la sagesse [...]
Engage tes pieds dans ses entraves et ton cou dans son collier,
présente ton épaule à son fardeau, ne sois pas impatient de ses liens.[...]
Car à la fin tu trouveras en elle le repos
et pour toi elle se changera en joie.
Ses entraves te deviendront une puissante protection,
ses colliers une parure précieuse,
son joug sera un ornement d'or,
ses liens des rubans de pourpre.»
(Ben Sirac le Sage VI, 18.24-25.28-30)
De fait, la recherche et l'enseignement peuvent être une façon
d'accomplir la vocation chrétienne, par laquelle tout baptisé est
consacré au service du Christ: en patristique, le lien entre vie de
foi et vie intellectuelle est plus facile à percevoir, puisque les
Pères ont eu les premiers la tâche d'élaborer la foi de manière
intellectuelle, dans la culture de leur temps; «Crois pour
comprendre, comprends pour croire», écrivait saint
Augustin. Cependant, devant les difficultés et les lenteurs du travail
universitaire, tout un chacun peut se répéter les paroles de l'Apôtre
Paul:
«Quel que soit votre travail, faites-le de bon coeur,
pour plaire au Seigneur, non pour plaire à des hommes,
sachant que le Seigneur vous récompensera
en faisant de vous ses héritiers.
C'est le Seigneur Christ que vous servez.»
(Saint Paul aux Colossiens III, 23-24)
Article paru dans Sénevé
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