Augustine and I

The true story

Élise Gillon



I was seventeen when we first met; he had been dead for 1564 years, but I immediately knew he had something different to tell me: something special about my own life and his, about a friend of ours who had come to share our lives, to help them up from the depths of sin and to restore us in His likeness.1


Why Augustine2?

À cette question précise je ne répondrai pas: si vous n'avez pas compris en suivant le feuilleton augustinien qui paraît par intermittences dans Sénevé depuis bientôt quatre ans que le bienheureux Augustin, figure charnière de la fin de l'Antiquité, a rayonné sur tout le Moyen-Âge et structuré en profondeur la pensée occidentale3, je ne ferai pas le résumé des épisodes précédents. Vous échappez aussi, heureux talas, au projet de thèse qui vous aurait démontré l'importance capitale du travail dans lequel je veux engager les deniers publics et quelques années de jeunesse. Mais là est la question4: quel intérêt à étudier un auteur patristique? Un intérêt spirituel et personnel d'abord: la fréquentation des Pères nourrit la foi, l'enrichit de profondeurs intellectuelles et poétiques, que ce soit par la discussion philosophique ou les interprétations audacieuses qu'ils proposent de tel ou tel verset biblique; cette motivation s'apparente à une lecture de type «monastique»; elle peut se prolonger de manière plus «apostolique» dans une volonté de diffusion de la pensée patristique, pour faire connaître et aimer les richesses de la révélation et de la tradition chrétiennes. Il ne s'agit plus alors d'un travail proprement universitaire, mais de ce que certains appellent avec une nuance de mépris «vulgarisation»; à un niveau très modeste, des articles pour Sénevé, par exemple, peuvent concourir à l'édification du peuple chrétien5.


Ces préoccupations peuvent paraître bien éloignées de la recherche scientifique; pourtant, il n'y pas de vulgarisation sans science à diffuser, et l'analyse des oeuvres et des sources permet une compréhension plus intime encore de la pensée d'un auteur. Le travail intellectuel nourrit la vie de foi, même si elle doit reposer d'abord sur la prière, la vie ecclésiale, les sacrements, sous peine de se voir parasitée: on peut se surprendre, en pleine prière, à se demander si l'interprétation de ce verset par Untel6 lui vient de tel ou tel de ses contemporains... Mais on peut aussi contempler Dieu en direct en lisant Plotin en bibliothèque, si l'on se donne les moyens d'entrer dans sa pensée. La grande originalité des études patristiques7, c'est que la vérité scientifique qu'elles tentent d'approcher est à la fois très humaine et transcendante8: leur objet est d'ordre historique, mais c'est l'histoire de la foi, de sa transmission, de son approfondissement, de sa croissance dans l'humanité. Les grands philologues qui ont fondé cette discipline en France au \textsc{XVII}\ieme siècle étaient bénédictins, de la congrégation de Saint-Maur fondée ad hoc9; depuis, foi et rigueur scientifique se sont toujours épaulées pour une exploration plus fine des oeuvres des Pères, et une meilleure connaissance des origines du christianisme. Il ne s'agit pas d'une quête désincarnée, coupée des soucis du monde: rejoindre nos frères d'il y a mille cinq cents ans dans leurs préoccupations parfois éloignées des nôtres force à l'ouverture, et la foi radicale des Pères nous oblige à prendre au sérieux le message chrétien: je voudrais évoquer ici les noms d'Henri-Irénée Marrou et André Mandouze, de grands augustiniens qui, en leur temps, se sont élevés contre la pratique de la torture en Algérie.



La patristique, science humaine et divine, a ceci de particulier qu'elle déborde les cadres disciplinaires: la lecture des pères requiert des méthodes et des connaissances principalement d'ordre philologique, historique et philosophique, mais aussi exégétique, théologique ou tout simplement littéraire et stylistique. Notre école devrait donc être le lieu idéal pour former des patristiciens et patristiciennes, puisque enfin la fameuse «interdisciplinarité» doit bien trouver où s'appliquer! Mais il faut des années, sauf pour les mieux doués dont je ne fais pas partie, avant de pouvoir s'avouer compétent en ce vaste domaine: heureusement, c'est aussi une science bien humble, qui met ses pas dans les traces de ceux qui nous ont précédé dans la foi, une théologie réelle qui n'a rien à inventer ni à prouver, mais s'emploie à discerner tous les rameaux que l'Esprit Saint a fait croître au coeur des hommes.



Je me suis lancée dans l'étude d'Augustin touchée par la beauté qui émanait de son oeuvre, par la fraîcheur et l'authenticité de cette voix venue d'au-delà des siècles, et qui nous parle de manière neuve et ancienne du mystère de l'Amour de Dieu pour l'humanité; le cadre universitaire me permet de poursuivre cette recherche sans trahison, dans la mesure où la vérité scientifique de mon objet est une histoire de foi. La sympathie pour l'objet de la recherche n'est pas ici une entrave, mais une manière de mieux atteindre l'intimité d'une oeuvre; j'ai dû reconnaître aussi que cette recherche exigeait des efforts, qu'elle constituait une forme d'ascèse:





«Mon fils, dès ta jeunesse choisis l'instruction,
et jusqu'à tes cheveux blancs tu trouveras la sagesse
[...]
Engage tes pieds dans ses entraves et ton cou dans son collier,
présente ton épaule à son fardeau, ne sois pas impatient de ses liens.
[...]
Car à la fin tu trouveras en elle le repos
et pour toi elle se changera en joie.
Ses entraves te deviendront une puissante protection,
ses colliers une parure précieuse,
son joug sera un ornement d'or,
ses liens des rubans de pourpre.
»
(Ben Sirac le Sage VI, 18.24-25.28-30)



De fait, la recherche et l'enseignement peuvent être une façon d'accomplir la vocation chrétienne, par laquelle tout baptisé est consacré au service du Christ: en patristique, le lien entre vie de foi et vie intellectuelle est plus facile à percevoir, puisque les Pères ont eu les premiers la tâche d'élaborer la foi de manière intellectuelle, dans la culture de leur temps; «Crois pour comprendre, comprends pour croire», écrivait saint Augustin. Cependant, devant les difficultés et les lenteurs du travail universitaire, tout un chacun peut se répéter les paroles de l'Apôtre Paul:



«Quel que soit votre travail, faites-le de bon coeur,
pour plaire au Seigneur, non pour plaire à des hommes,
sachant que le Seigneur vous récompensera
en faisant de vous ses héritiers.
C'est le Seigneur Christ que vous servez.
»
(Saint Paul aux Colossiens III, 23-24)

É.G.

Article paru dans Sénevé


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