Pour comprendre avec justesse le don de l'indulgence (employé au singulier par Jean-Paul II et non pas au pluriel «les indulgences») du Jubilé il est nécessaire de regarder d'abord l'indulgence qu'est le Christ.
« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc 23,34)
Cette parole révèle l'indulgence incarnée dans la personne du
Christ. Il ne dit pas « ils n'ont pas péché » ni « pardonne-leur, ce n'est
pas si grave », mais il leur attribue une circonstance atténuante : leur
ignorance, ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils font (cf. 1Co 2,8B et
Ac 3,17). S'il veut que son père pardonne, certainement lui-même a aussi
pardonné dans son coeur.
- En 1Jn 2,1 le Christ est désigné comme «avocat», en référence à celui
dont le métier est de trouver des circonstances atténuantes au coupable,
de l'excuser : « Si quelqu'un vient à pécher nous avons comme avocat
(paraclétos) auprès du Père Jésus le Juste ». Paraclétos vient de
la racine paracaleo, supplier. L'avocat est aussi celui qui supplie.
- Cette fonction du Christ est à rapprocher de son intercession en Rom
8,34 : « Qui donc condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort, que
dis-je ? ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour
nous ? ».
- Le lien entre la charité et l'indulgence est donné en 1Co 13,7 : « La
charité excuse tout ».
Cette conception de l'indulgence est comparable à la démarche
du sacrement de Réconciliation que nous propose le Rituel depuis 1975.
Après l'accueil mutuel du prêtre et du pénitent il est suggéré d'écouter
la Parole de Dieu, de se mettre sous la lumière de la parole qui dit
l'Amour de Dieu pour nous. Alors,
« la première réaction du pécheur qui se repent est un
acte de louange et d'adoration en réponse à l'amour que Dieu lui manifeste
dans son accueil et dans sa Parole, et c'est de cette foi en Dieu qui
aime et pardonne que jaillit l'aveu des péchés ».1
De même que l'assurance de l'amour nous conduit à l'aveu et au
repentir, de même l'assurance de l'indulgence nous conduit à l'humilité,
inconscients de la gravité de notre péché, et nous convoque à nous
présenter les mains vides.
Ainsi doit se comprendre le don de l'indulgence du Jubilé. En
premier lieu accueillir et s'en remettre à l'indulgence de Dieu, et par là
reconnaître notre ignorance quant à la gravité de notre péché. Cela nous
conduit alors à une remise de soi à Dieu inscrite par exemple dans la
démarche de pèlerinage.
Partir en pèlerinage, ce n'est pas faire quelque chose, c'est marcher,
se déplacer, aller à. C'est se présenter à Dieu « les mains vides » selon
l'expression de Thérèse de Lisieux. Se présenter à Dieu ou plus exactement
se présenter à Dieu par notre avocat, le Christ, et s'en remettre à sa
prière d'intercession et à celle des Saints.
Et dans cette logique du don de l'indulgence, le Pape propose
le signe de la purification de la mémoire ou de la repentance,
c'est-à-dire une démarche d'humilité de l'Eglise chargée d'un héritage de
2000 ans :
« Que l'Eglise, forte de la sainteté qu'elle reçoit de son Seigneur,
s'agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et
présents de ses fils. Tous ont péché et personne ne peut se dire juste
devant Dieu (cf. 1R 8,46) ».2
Article paru dans Sénevé
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