Le Christ est l'indulgence

Sr. Anne Thom Brunet, o.p.


Pour comprendre avec justesse le don de l'indulgence (employé au singulier par Jean-Paul II et non pas au pluriel «les indulgences») du Jubilé il est nécessaire de regarder d'abord l'indulgence qu'est le Christ.


Qu'est-ce que l'indulgence ?

L'indulgence consiste à être compréhensif par rapport au mal dont on est témoin, victime ou juge. C'est donc une attitude de l'esprit, une patience et douceur de l'esprit, qui consiste : à comprendre l'intention de l'autre (le contraire de faire un procès d'intention), à accorder des circonstances atténuantes, à excuser l'autre ; bien plus, à excuser l'autre lorsque le repentir n'est pas visible, lorsque l'autre est inconscient de sa faute et/ou de la gravité de sa faute.
Il est facile de trouver des exemples concrets d'indulgence dans les domaines de l'éducation, de la justice, de la relation amoureuse ou d'amitié.
L'objet de l'indulgence est une offense, une injure, une blessure, un outrage, une faute ou un péché.
La source de l'indulgence : la bonté, la charité, et son fruit : la remise de dette, le pardon. Des attitudes du coeur. Le risque de l'indulgence est de devenir faiblesse, complaisance à l'égard du mal.


L'indulgence dans l'Evangile

- L'indulgence, attitude de l'esprit provenant d'une attitude du coeur et dont le fruit est aussi une disposition du coeur, est présente dans l'Évangile. L'expression la plus forte se trouve dans une parole de Jésus en croix :



« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc 23,34)



Cette parole révèle l'indulgence incarnée dans la personne du Christ. Il ne dit pas « ils n'ont pas péché » ni « pardonne-leur, ce n'est pas si grave », mais il leur attribue une circonstance atténuante : leur ignorance, ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils font (cf. 1Co 2,8B et Ac 3,17). S'il veut que son père pardonne, certainement lui-même a aussi pardonné dans son coeur.
- En 1Jn 2,1 le Christ est désigné comme «avocat», en référence à celui dont le métier est de trouver des circonstances atténuantes au coupable, de l'excuser : « Si quelqu'un vient à pécher nous avons comme avocat (paraclétos) auprès du Père Jésus le Juste ». Paraclétos vient de la racine paracaleo, supplier. L'avocat est aussi celui qui supplie.
- Cette fonction du Christ est à rapprocher de son intercession en Rom 8,34 : « Qui donc condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort, que dis-je ? ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous ? ».
- Le lien entre la charité et l'indulgence est donné en 1Co 13,7 : « La charité excuse tout ».


Pour nous aujourd'hui

Obtenir l'indulgence du jubilé, recevoir ce don, c'est donc :
- Reconnaître que Quelqu'un est indulgent à mon égard, se fait mon avocat, mon intercesseur, devant Dieu ;
- Reconnaître, du même coup, mon ignorance, mon inconscience quant à mon péché et à sa gravité : « Je ne savais pas ce que je faisais ».
C'est à la lumière de l'indulgence que me sont révélées mes ténèbres, sans que j'en sois écrasé, car en même temps qu'elle me les révèle elle me révèle la lumière du pardon déjà donné : « Père, pardonne-leur ».



Cette conception de l'indulgence est comparable à la démarche du sacrement de Réconciliation que nous propose le Rituel depuis 1975. Après l'accueil mutuel du prêtre et du pénitent il est suggéré d'écouter la Parole de Dieu, de se mettre sous la lumière de la parole qui dit l'Amour de Dieu pour nous. Alors,



« la première réaction du pécheur qui se repent est un acte de louange et d'adoration en réponse à l'amour que Dieu lui manifeste dans son accueil et dans sa Parole, et c'est de cette foi en Dieu qui aime et pardonne que jaillit l'aveu des péchés ».1



De même que l'assurance de l'amour nous conduit à l'aveu et au repentir, de même l'assurance de l'indulgence nous conduit à l'humilité, inconscients de la gravité de notre péché, et nous convoque à nous présenter les mains vides.



Ainsi doit se comprendre le don de l'indulgence du Jubilé. En premier lieu accueillir et s'en remettre à l'indulgence de Dieu, et par là reconnaître notre ignorance quant à la gravité de notre péché. Cela nous conduit alors à une remise de soi à Dieu inscrite par exemple dans la démarche de pèlerinage.
Partir en pèlerinage, ce n'est pas faire quelque chose, c'est marcher, se déplacer, aller à. C'est se présenter à Dieu « les mains vides » selon l'expression de Thérèse de Lisieux. Se présenter à Dieu ou plus exactement se présenter à Dieu par notre avocat, le Christ, et s'en remettre à sa prière d'intercession et à celle des Saints.



Et dans cette logique du don de l'indulgence, le Pape propose le signe de la purification de la mémoire ou de la repentance, c'est-à-dire une démarche d'humilité de l'Eglise chargée d'un héritage de 2000 ans :
« Que l'Eglise, forte de la sainteté qu'elle reçoit de son Seigneur, s'agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils. Tous ont péché et personne ne peut se dire juste devant Dieu (cf. 1R 8,46) ».2


En conclusion

Le thème de l'indulgence peut être travaillé à partir d'exemples de la vie, pour en découvrir d'une part l'importance et même la nécessité dans nos relations et d'autre part les risques. L'intérêt de ce thème au niveau de la relation à Dieu est de pouvoir réfléchir à la Réconciliation non pas à partir du péché et d'une culpabilité mais à partir d'une attitude de Dieu envers nous révélée en Jésus : « Venez à moi car je suis doux et humble de coeur » (Mt 11,29). Une attitude de compréhension : Dieu nous connaît et nous comprend mieux que nous-mêmes. Dans le prolongement il sera peut-être possible d'inviter à regarder sa vie à la lumière se la Parole de Dieu et de signifier une telle démarche dans une célébration.

S.A.T.B.o.

Article paru dans Sénevé


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