La grossesse
La femme va durant sa grossesse subir des modifications
psychologiques. Voyons-le par des exemples.
Il y a deux façons d'annoncer à son entourage sa grossesse :
- "je suis enceinte" : elle trouve dans cet état un élément
palliant un manque narcissique. En effet tous parfois nous nous
trouvons pas assez ci ou trop ça (c'est un déficit
narcissique). Durant cette grossesse la femme acquiert cette confiance
en elle qui pouvait lui manquer.
- "j'attends un enfant" : l'enfant devient le bébé imaginaire
du désir infantile. En effet la petite fille se découvrant sexuée
comprend qu'elle pourra enfanter. Elle pense un bébé imaginaire,
enfant de son papa qu'elle lui offre en cadeau. Ce bébé imaginaire est
seule propriété de la mère. Le père à venir doit donc réaffirmer sa
présence avant la naissance.
À côté de ce bébé imaginaire existe le bébé fantasmatique, imaginé par
le couple : ``il aura le nez de ton père et les oreilles de ma mère''.
Pour que l'enfant puisse ensuite vivre comme individu propre, il faut
que la mère fasse deuil de cet objet de complétude narcissique, de ce
bébé imaginaire, et que le couple accepte ce bébé comme différent du
bébé fantasmatique. Si ces deuils sont mal faits, il pourra y avoir
des malentendus relationnels parents/enfants. Aussi l'enfant doit
avoir sa place dans la filiation. Par exemple, après une fausse
couche, l'enfant à venir peut être un enfant de "remplacement". Les
parents auront tendance à le surprotéger.
L'investissement de l'enfant par ses parents dépend de tout
cela. Celui-ci conditionne les relations parents/enfant et
l'organisation de la personnalité de l'enfant.
La dyade mère/enfant
La mère, durant les premiers mois de l'enfant, y pense toujours. C'est
la "préoccupation maternelle primaire" de Winnicott. Il a montré que
celle-ci permet à l'enfant d'avoir le sentiment continu d'exister. Il
peut ainsi acquérir ses assises narcissiques soit un capital de
sécurité, de confiance en soi. On appelle cela le "holding" de
l'entourage : celui-ci, par son attention, permet le soutien psychique
et le développement psychologique de l'enfant. Cela se traduit par le
fait de bien tenir l'enfant dans ses bras : un enfant bien tenu prend
confiance en soi. À côté de ce holding existe le "handing" : c'est la
manière dont on manipule le corps de l'enfant. Ceci le stimule au
monde extérieur et développe ses sens. Il faut que ces deux choses
soient faites par un nombre restreint de personnes, sinon l'enfant ne
s'y retrouve plus ; pour se développer il doit choisir un "objet
d'amour" et c'est dans cette relation privilégiée à cette personne
qu'il se développera. Cette théorie a été définie dans les
pouponnières des années cinquante où des enfants déprimaient, étaient
irritables puis renfermés, abattus, anorexiques. La mort pouvait
parfois survenir sans cause apparente ; on parlait de "marasme
infantile". Winnicott conseilla de détacher les nourrissons et de
faire enlever les masques du personnel . L'enfant ne pouvait plus
créer de relation privilégiée avec quelqu'un ne reconnaissant
personne. Cette dépression peut encore être vue quand les enfants sont
séparés de leur mère avant le huitième mois.
On définit la "good enough mother" de Winnicott : c'est une mère qui
sait répondre au bon moment aux besoins de l'enfant. Par exemple,
quand le bébé pleure, si la maman répond trop tard le bébé a un
sentiment d'abandon. En revanche si elle répond trop tôt elle ne
permet pas à l'enfant d'expérimenter ses besoins comme étant les
siens.
À ce stade se développent des échanges entre la mère et l'enfant qui
auto-renforcent les expériences. La confiance et la capacité de chacun
sont nourries de ce qui est perçu par l'autre. Par exemple, si une
mère essaie de jouer avec son bébé et qu'il ne répond pas par le
regard, elle arrêtera ceci et diminuera les
échanges. Elle a besoin que l'enfant lui confirme qu'elle est une
bonne mère.
Ainsi la mère doit apprendre à gérer sa grossesse et les relations avec son bébé, choses qui peuvent paraître mineures mais qui sont en réalité essentielles pour le devenir de l'enfant.
Article paru dans Sénevé
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