Pourquoi Tu LUI fais ça ???

suite au thé biblique de Aude et Cécile

Marie Rabinovitch


Au thé nous avons parlé de ``confiances différentes'' comme celle de l'homme en homme, de l'homme en Dieu et de Dieu en l'homme ; d'où venait la confiance, comment s'établissait-elle et ... comment survivait-elle aux épreuves. Comment survivait-elle à l'abandon. Comment survivait-elle le ``Père, pourquoi m'as-tu laissé'', le ``pourquoi tu me fais ça'' (une expression de Béatrice lors du thé).
``Jésus continue à espérer'', ``même dans cet abandon'', ``même au désespoir le plus profond''...


Je ne me souviens tout de même pas d'avoir entendu dire ``Il m'a tellement abandonné, que je ne crois plus''.
Me semble-t-il, en général on dit : ``Si il était là, il ne permettrait pas que les enfants souffrent''. ``Si Dieu existait, il n'y aurait pas de guerres''. ``Si Dieu existait, il ne leur ferait pas ça''.
Aude m'avait dit, que pour elle la guerre ne venait pas de Dieu, elle n'était pas voulue par lui, et il en souffrait aussi. Les hommes font la guerre, pas Dieu...
La guerre correspondrait donc plutôt à la liberté des hommes (à la confiance de Dieu en eux et en leur liberté qu'il leur laisse comme cette confiance), ce serait leur bêtise à eux, et Dieu en souffrirait aussi.
Plutôt la liberté des hommes (donc la confiance de Dieu en nous), tout aussi la liberté de faire des guerres. Différence : les personnes qui ont posé toutes les questions ci-dessus parlaient des gens qui, dans le cas de la guerre par exemple, n'étaient pas ceux qui l'ont engendrée, mais ceux qui la subissaient, ceux qui en souffraient. Eux, ils n'y sont pour rien ?..
Aude : Je crois que Dieu est un refuge pour les hommes, ils peuvent trouver dans la prière le courage d'affronter les événements...
Qu'y en a-t-il de liberté tout de même ?
Au moment même, qu'y en a-t-il de liberté ?


Quand il n'y a pas de cause transparente, une maladie, au cas extrême non plus ``une maladie de mon proche'', mais encore une maladie d'un proche de mon proche et je ne sais plus lequel des deux en souffre plus et celui qui est apparemment sain et qui va survivre il est déjà tout aussi presque mort...''


``Pourquoi tu me fais ça'' peut être excusé.
``Pourquoi tu lui fais ça'' - comment excuser vraiment, sincèrement cette souffrance, la souffrance de mon proche, car il a tellement mal, et je suis là, et je n'y peux rien.
``Père, pourquoi m'as-tu laissé'', - dit Jésus. Et Marie ne prononce aucun mot, elle est là, elle... silencieuse et... car comment encore parler?


La question est alors ``Pourquoi tu Lui fais ça?''


``POURQUOI TU LUI FAIS ÇA?''
A lui, que j'aime.


La partie moins sombre, avec une tentative de résolution.
La première possibilité de résolution se trouve dans le champ chrétien. Il s'agit de comprendre, que l'on ne peut pas tout comprendre, de croire en Dieu et de s'en remettre à lui.
Dieu, ayant souffert effectivement de ses proches, avait dit ``pardonne leur car ils ne savent pas ce qu'ils font'', ce serait une image-idéal pour les gens qui apparement ne font que subir, leur liberté étant dans le choix toujours présent de se soumettre à Dieu, la guerre offrant un moyen en quelque sorte d'aller malgré tout même encore plus vers Dieu. ``...Dieu est source de réconfort,'' - Aude. Dans le cas d'une maladie, il s'agirait aussi de se soumettre à Dieu.


Encore une possibilité qui n'est pas contradictoire avec la chrétienté, mais qui se trouve tout de même un peu à l'extérieur : Une personne ayant souffert de ses proches avait dit : ``Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font''.
Non plus une image-idéal-à-suivre, mais une image-de-réalisation-d'-une-personne. Ce qui serait à suivre, ce n'est plus ``pardonne leur'', mais le fait de se réaliser. Martin Bouber a dit : ``Au ciel Dieu ne me demandera pas ``pourquoi je ne ressemblais pas assez à Jésus Christ'', mais il me demandera ``pourquoi je ne ressemblais pas assez à Martin Bouber''.''
Les gens de l'aumônerie a qui j'avais prêté ``Le Messie Récalcitrant'' de Richard Bach m'ont tous remarqué que pour eux c'était très centré sur lui (sur le Messie Récalcitrant). Et c'est quelque chose qui me paraît très pertinent par rapport au christianisme : ``très centré sur une personne'' (sauf dans le cas échéant de Dieu) c'est - mauvais.
Il y a deux pôles de recentrage sur la personne : l'égoisme et l'individuation (le terme, et je crois le concept-même, est de C.G.Jung). Différence : dans le cas de l'égoisme une personne est centrée sur elle, dans le cas de l'individuation la personne est centrée sur elle et sur les autres et sur Dieu tout comme un chrétien mais avec plus d'attention aux différences individuelles par exemple. Ceci dit, c'est quelqu'un qui connait déjà un peu l'anatomie et qui est conscient du fait qu'il y a des cellules musculaires et qu'il y a des neurones et que ce n'est pas la même chose et que en fait ça n'empêche qu'il y ait un corps globalement. Que le corps soit composé des cellules séparées par des membranes ça ne contredit pas qu'il y ait un corps. Ce n'est pas contradictoire, ça parle du même corps.
Dans quelle mesure ``le corps du Christ'' est-il censé être réel ? Si il est censé être réel, c'est en cellules. Parce que sinon c'est en brouillard et pas bien défini.


Revenons à ``Pourquoi tu Lui fais ça''.
Dans cette deuxième approche on est personnifié. Quelque chose se passe donc entre les personnes.
Peut-être, faut-il repenser le statut de la personne qui souffre par rapport à moi ? Le statut de "Lui" par rapport à "je" ?
Les gens qui perdent quelqu'un souvent sont d'abord submergés par le fait qu'ils ont perdu leur proche, après,par exemple si ils sont chrétiens il comprennent et peuvent se réjouir pour ce proche qui est avec Dieu. Pour un athée la perte sera probablement remplacée par une implication encore plus profonde dans la vie de ceux qui vivent toujours. Sinon pour un athée...ça peut être remplacé par une certaine satisfaction due à l'Accomplissement de celui qui est parti. Au fait que cette Personne Etait.
Pourquoi Marie continue à croire? Elle voit non seulement son fils souffrir, mais Jésus, Dieu. Une personne qui se définit en tant que tel, non seulement par rapport à Marie, mais en soi.


Un exemple humain nous sera peut-être un peu plus proche.
-``...J'ai perdu ma mère quand je n'avais que trente ans...'' Elle essaye de ne pas fondre en larmes.
``Comment s'appelait ta mère?''
-Jeanne...
-Raconte-moi l'histoire de Jeanne?
-Maman était née en 1940...
-S'il-te plaît, l'histoire de Jeanne.
-Jeanne était née en 1940 à Bordeaux...
Elle me raconte l'histoire de Jeanne. Elle est un peu ahurie maintenant. Sa maman s'appelait Jeanne.``Maman s'appelait Jeanne.''
``Jeanne était ma mère!''


Je me suis toujours posé la question suivante : parmi les actes divins cités dans la Bible lesquels ne sont pas humains en fait ? Actuellement, aucun je crois. Si je devais le démontrer ``en Descartes'' je citerais peut être ``à son image''. Mais bien sûr on pourrait me répondre ``de la poussière du sol'', et ce serait légitime.
Je dis tout simplement que ``j'en suis convaincue'', et il n'y a pas d'argument logique pour contredire un tel argument.
Par exemple, est-ce que ``nous sommes ceux qui sommes'' ? Y inclus les personnels ``tu es celui qui es'', ``il est celui qui est'' et ``je suis celui qui suis'' ? Il me semble qu'un tel cadre replace un peu la problématique de la souffrance...

M.R.


Article paru dans Sénevé


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