``Je suis venu apporter un feu sur la terre,
et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé."
Lc XII, 45.
La retraite de rentrée qui nous a réunis les 9,10 et 11 novembre
derniers à l'abbaye Sainte-Marie de la Pierre-Qui-Vire a été
l'occasion de réfléchir à notre rôle de baptisés dans la société et
tout particulièrement à notre place d'étudiants catholiques à
l'école: ``être dans le monde sans être du monde", tels sont les termes
du problème.
Paradoxalement, c'est au désert des forêts du Morvan, dans le grand
silence d'un monastère, qu'échanges, enseignements et prière nous ont
donné de mieux découvrir les exigences et la richesse de notre
vocation chrétienne au coeur de ce monde. La vie pauvre, obéissante
et chaste des bénédictins est déjà signe, en effet, du Royaume qui
vient ; ces moines éditeurs, adeptes du téléphone portable, témoignent
dans le temps, sinon dans le siècle, de la réalisation du dessein
d'amour éternel de Dieu, au terme de notre attente. Alors que ``passe
la figure de ce monde" (I Co VII, 31) ,l'espérance y révèle, déjà présents,
les traits de Jésus le Messie, Dieu avec nous jusqu'à la plénitude des
âges.
Rassemblés au nom du Christ au long de ces trois jours, nous avons
éprouvé la réalité de la vie ecclésiale, au sein de l'Église
universelle et comme église du Christ à l'école normale: la vie en
communauté a resserré les liens de notre groupe et donné un ciment
très concret à notre fraternité dans le Christ; imprégnés peu à peu de
la calme beauté des offices, nous avons pris goût à la prière de
l'Église; en contemplant la lumière d'un ciel étoilé dans la nuit
froide, ou lors d'une longue promenade sous les bois dénudés de
l'automne, qui a laissé la pluie collée à nos semelles et dans nos
coeurs la flamme de discussions passionnées, nous nous sommes approchés
ensemble du mystère de la Création et nous avons pris part à la
louange qu'à Dieu sans cesse elle crie; nous avons reconnu
Sa Trace dans nos vies en écoutant ensemble Sa Parole : ``Venez à la
rencontre de l'Époux !"
Citoyens de Dieu, il faut donc nous porter aux devants de Celui
qui déjà est en marche: notre carte de séjour dans le monde ne nous
isole pas de ceux qui nous entourent mais nous associe aux tâches communes; et
c'est par notre action dans la création, puisque Dieu a voulu nous
confier le monde, en le transformant selon la Volonté du Père, que
nous faisons advenir ``les cieux nouveaux et la terre nouvelle".`` La
Création toute entière gémit dans les douleurs de
l'enfantement" (Saint Paul), et nous en sommes les sages-femmes: notre
mission de baptisés est de mener le monde à son achèvement en
collaborant à la grâce divine, de ``récapituler toutes choses dans le
Christ, celles du ciel et celles de la terre" (Saint Paul aux
Éphésiens). Cette assomption du temporel par l'Éternité de Dieu
trouve sa source et sa parfaite réalisation dans le sacrement de
l'Eucharistie, qui unit les fidèles dans le Corps du Christ,
l'Église.
Nos réflexions, élargies à l'univers entier, ont reçu
du père Armogathe leur orientation christologique et
eschatologique: des perspectives véritablement
apocalyptiques et des béances sidérales se sont ouvertes sous nos
pas. Passée la première stupeur, il nous a fallu rendre grâce en
considérant que jamais nous n'avions été si bien préparés à l'Avent, à
l'attente impatiente et heureuse de l'Orient de notre vie.
``Patience, prévient saint Paul. Dieu ne tarde pas. Pour Lui, mille
ans sont comme un jour." Mais que fait-Il donc ? Il attend. Il ne
veut pas qu'aucun de ces petits soit perdu."
Article paru dans Sénevé
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