La folie ou/et la grâce

Macha (Rabinovitch Marie)




Si quelqu'un un jour s'est tordu un genou, c'était peut être la première fois qu'il s' est rendu compte qu' il avait un genou. Si quelqu' un est né avec un genou tordu, de quoi se rend-il compte celui-là ?



Il sait, que "marcher, ça lui est désagréable". Il sait, que "marcher, ça lui fait mal". Si ses proches ont aussi leurs genoux même légèrement tordus, il peut en faire une règle générale : "marcher, c'est désagréable". "Marcher, ça fait mal".
Et tout à fait comme "un normal" il peut ne pas savoir non plus qu'il a un genou.
Je voudrais préciser : pour se rendre compte que l'on a un genou tordu, et que c'est cela qui fait mal, il faut déjà, avant de se rendre compte que l'on a "un genou tordu", se rendre compte, que l' on a "un genou".
Or, si quelqu'un de sain peut se rendre compte de l'existence de son genou en l'ayant tordu, qu' est-ce qu'il a à attendre, "le malade"? Que son genou se "distorde"?
Ce n'est pas si bête : vous lisez maintenant ce que viens d'écrire sur "un genou" et vous vous dites: c' est évident qu' on en a un. Et si j' avais choisi d' écrire sur un coude ? Combien de fois avez-vous remarqué que vous avez un coude?
Ce que je veux dire vous est peut être déjà clair. Cela présuppose que nous aussi nous avons un genou tordu. Il présuppose pour nous aussi toutes les conséquences qui en découlent.



Qu'est-ce qu'un "fou"? Je voudrais essayer de répondre à la question:
qu' est-ce "une horreur inexplicable devant un fou".



Si quelqu'un présuppose que tu as un genou tordu, que tu as mal, comment le prends-tu ? Tous les genoux sont "plus ou moins tordus" et en quelque sorte il a raison.
Existe-t-il "une santé objective"? Si quelqu'un avait toujours faim, pour se dire "j' ai faim", il devrait avoir senti ce que c'est "ne pas avoir faim". "Faim" doit être comparé à "rassasié". "Avoir faim" est une notion de comparaison.
Ce n'est pas "la santé objective" que l'on désigne par "la santé", mais "le plus petit degré de distorsion" connu.
En présupposant tellement fort que tout le monde a mal, il a un encouragement dans son regard. "Même avec ce malheur on peut vivre". Tu lui dis: "Eloigne-toi, je suis en bonne santé". Ces yeux te regardent, tu plisses tes paupières, tu caches ta tête dans tes mains et tu hurles: "Eloigne-toi, je suis en bonne santé!"



Il présuppose cela chez les autres, parce que pour lui c'est un état normal.
"Tu ne vois pas la poutre dans ton oeil et tu vois la paille dans l'oeil de l'autre". Contre quoi s' acharne-t-il?
"Quelles relations as-tu avec tes proches, qu'est-ce que Dieu?" C'est lui, qui a le genou tordu...



Je voudrais détourner maintenant en quelque sorte la phrase biblique. "Tu ne vois pas la poutre dans ton oeil et tu vois la paille dans l'oeil de l' autre"...
On ne voit pas des jardins d'une béatitude ineffable dans l'oeil de l'autre parce que dans son oeil on ne voit même pas une fleur. Si je n'ai même pas un tout petit échantillon de joie ou d' amour dans mon oeil, comment pourrais-je reconnaitre la joie et l'amour chez les autres?
"Maladie" et santé sont différentes. Mais il faut avoir eu la santé pour se dire "je suis sain". Or il dit "je suis sain" quand il est malade.
Et il se colle sur les autres en essayant de les "guérir". De leur "donner" quelque chose. Que donnent-ils, ces gens-là?
Van Gogh qui a choisi de dormir sur le plancher dans une cabane quand il était prêtre chez les mineurs, qu' a-t-il transmis? Qu' a-t-il transmis quand il allait avec leurs femmes et leurs enfants chercher les grains de charbon dans les collines de la poussière ?
L'amour? Ce n'est pas "la santé" telle qu'il la comprend qu' il reçoit, car il la comprend comme une maladie au fond. Mais "la santé"...
Même petites, même peut être uniques nous avons quand même chacun quelques fleurs.
Et parfois la personne a besoin qu'on lui montre ses fleurs, car elles sont tellement petites et faibles, qu'elle ne s'en appercevra jamais toute seule.



Qu'est-ce que perd Jésus, si ce n'étaient pas des miracles ? Que perd Dieu dans sa valeur si ces actes étaient en effet humains ?
C'est l'amour que transmettent les mains du guérisseur. Et c'est humain, l'amour. Humain...


Merci à Béatrice qui est venue le mardi soir pour m'encourager.



Article paru dans Sénevé


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