Monseigneur Barbarin à l'ENS
mercredi 14 mars 2007
compte-rendu par Philippe Pétriat
Pour les présents, ces quelques lignes ne seront qu'une piqûre de
rappel de notre rencontre avec l'archevêque de Lyon. Elles ne pourront pas,
mais ce n'est pas leur objectif, résumer une intervention de plus d'une
heure, des questions bouillonnantes, où chacun aura pu glaner ce qu'il
cherchait. Pour les autres, elles pourront vous indiquer ce qui s'est dit,
mercredi 14 mars 2007, dans la salle des Actes.
Nous avions demandé à Mgr Barbarin d'aborder le rôle que l'Église
devait jouer dans la vie politique, entendue ici dans son sens large.
Partant des deux conceptions que l'on pouvait avoir de l'expérience
chrétienne, celle d'un Christ dont le royaume «n'est pas de ce monde » et
celle du (même) Christ nous apprenant à prier pour que «son règne
vienne », Mgr Barbarin a voulu déplacer le paradoxe dans les activités des
disciples du Christ. Agir en tant que chrétien, c'était «ne pas agir selon
une logique humaine, mais assumer les conséquences contemporaines de cette
activité ». Et l'histoire du christianisme montre comment, à l'exemple du
Christ, mais avec plus de difficultés peut-être, les chrétiens ont pu vivre
partout en s'adaptant à la logique du lieu. Agir ici, les yeux tournés vers
ce qui vient « d'en haut », obéissant à ces «lois paradoxales » du royaume
spirituel que Mgr Barbarin évoquait en renvoyant à l'Épître à Diognète.
Citons-ici, un passage dont nous avons entendu quelques mots ce soir-là (À
Diognète, V) :
« Ils [les chrétiens] habitent dans les cités grecques et barbares suivant
le lot échu à chacun ; ils suivent les usages locaux pour ce qui concerne
les vêtements, la nourriture et pour le reste de la vie, tout en
manifestant le caractère merveilleux et extraordinaire de leur manière de
vivre.
Ils habitent chacun dans sa propre patrie, mais comme sur une terre
étrangère. Ils participent pleinement, mais ils supportent tout comme des
étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur
est une terre étrangère.
Ils se marient comme tous les hommes, ils ont des enfants, mais
n'abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais
non la même couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la
chair. Ils passent leur vie sur terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils
obéissent aux lois établies, mais leur manière de vivre surpasse les
lois. »
Ce que voulait montrer Mgr Barbarin, c'est que cette logique
paradoxale n'était en fait autre que celle de la charité. L'engagement dans
la charité est un engagement dans les choses concrètes de l'existence
humaine, que le chrétien perçoit comme participant à la fois de l'immuable
(la lumière jetée sur telle ou telle question contemporaine par la
Révélation) et du changeant.
C'était, pour ainsi dire, nous renvoyer directement au
Compendium de
la doctrine sociale de l'Église, dont l'archevêque de Lyon a pour finir
commenté l'organisation, avec quelques exhortations cependant. Au service de
l'homme (« l'Eglise, experte. »), l'Église se doit de pointer les dangers
de l'asservissement de ce dernier à l'argent, à la politique, à la
sexualité, domaines fondamentaux qu'explorent le
Compendium. Comme tout
être humain, nous avons des comptes à rendre de la mort des autres,
soulignait-il au sujet du chapitre sur la vie économique. La connaissance
d'un fait entraînant une part de responsabilité (« si tu le savais, tu es
responsable »), nous sommes aujourd'hui responsables de tout parce que nous
savons tout. Nous en avons du moins les moyens. Il en va de même pour la
prise en compte, nouvelle dans la doctrine sociale, de la pensée
écologique, la planète étant l'oeuvre du Créateur dont l'un des
commandements est « Tu ne voleras pas ». Ce dernier point rappelant notre
responsabilité, aussi, envers les générations futures.
La charité semble donc bien être la forme d'activité où le paradoxe
évoqué plus haut n'empêche plus de prendre en compte, et à coeur, les
réalités de notre existence contemporaine. C'est peut-être l'un des points
qu'il fallait retenir de cette soirée. C'est en tout cas celui que j'ai
choisi pour en rendre compte.
À lire ou à feuilleter :
Compendium de la doctrine sociale
de l'Eglise, Conseil Pontifical Justice et Paix, 2005, Cerf, Bayard et Fleurus-Mame.
À Diognète, 190-200, consulter l'édition d'Henri-Irénée Marrou au Cerf.
Pour les princes, Philippe