NOUS
Le Corps du Christ
M-E. B., E. Zanin, G. Brugère, L. Dauphant, JB. Guillon, S. Perrot, S. Ray
Est-ce que notre aumônerie a une mission qui lui est propre? Une mission communautaire, qui appelle ensemble tous ses membres, ici et maintenant? C'est la
question que l'on s'est posée un jour, au pot, devant une tarte aux quetsches. Oui, nous formons une communauté, nous sommes appelés à réaliser dans la communauté
notre vocation personnelle. Le débat a commencé par cette affirmation joyeuse. Mais aussitôt le gâteau fini, la discussion s'est faite plus vive : faut-il
rappeler, conceptualiser notre mission, ou la vivre chaque jour, sans de grands discours ? Ce fut le débat entre Marie--Eve et Grégoire. Deuxième question :
quelle mission ? Sommes nous appelés à porter le Christ dans notre aumônerie ou plus largement dans l'École ? Faut-il laisser agir en nous le Christ ou prendre
les devants ? Faut-il privilégier la prière ou l'action ? Ces questions n'ont pas vraiment de réponse, mais exposent plutôt diverses possibilités qui conduisent
l'action de chacun. Vous les retrouvez dans les textes qui suivent et qui cherchent à dresser un aperçu partiel et varié (un «microparvis») des avis de
l'aumônerie. Ce qui est important, c'est de croire que nous formons une communauté. Oui, nous marchons ensemble. Oui, nous savons où nous allons : par
l'édification réciproque, vers la maison du Père. Nous ne pouvons pas nous
donner une règle, ni fixer les modalités de notre action. Mais nous pouvons remercier
Dieu pour la communauté que nous formons et lui demander de nous conduire. C'est ainsi que nous avons écrit la prière qui suit. Elle est pour nous. Elle est
pour Dieu: qu'elle puisse soutenir notre communauté et nos frères dans les moments de détresse et de division!
Nous recevoir comme frères
Je pense que nous formons une communauté et que nous avons aussi une vocation commune. C'est une idée que je médite depuis cette été, depuis notre pèlerinage à
Assise et la visite à la Portioncule. J'étais frappée de voir comment cette petite église qui a vu naître l'ordre
franciscain ressemblait à notre cave... une
petite église en pierre au centre de la grande basilique de Santa Maria degli Angeli en marbre, cela m'a fait réfléchir au fait que nous sommes aussi une petite
Église dans la grande Église universelle, que nous sommes aussi une petite communauté dans la plus vaste assemblée des élèves de l'École. Et que nous sommes
aussi appelés à devenir cette Église plus grande, plus belle, plus riche. La Portioncule m'a donné envie de viser très loin: si seulement nous osions vraiment
nous abandonner entièrement à Dieu, nous serions le sel de la terre...
La Porziuncola
Grandeurs d'une future princesse? Sans doute. Car au quotidien la vie de l'aumônerie est bien plus concrète et complexe. Nous ne formons pas une communauté
religieuse comme les franciscains, nous sommes un groupe qui n'est pas véritablement homogène et une maille aux liens plus au moins lâches. Mais si nous sommes
tous ici et maintenant ensemble, c'est peut-être par le dessein de Dieu, qui nous fait chrétiens, dans l'École, dans l'aumônerie. Si je reconnais ce dessein je
dis que Jésus ne nous appelle pas seulement singulièrement, mais qu'Il nous appelle en tant que communauté, engagée sur un même chemin, à sa suite. Je ne veux pas
parler de mission pour décliner un programme et déterminer des projets concrets, mais simplement rappeler encore et encore quelle peut être l'orientation et le
sens de notre communauté : nous formons ensemble le corps du Christ. C'est dans ce corps que nous vivons chacun notre vocation individuelle, mais nous avons
aussi à la vivre en Église. L'aumônerie veut être cette première assemblée ecclésiale, qui participe de la paroisse, du diocèse, du corps tout entier de
l'Église.
Assumer une mission commune reviendrait donc simplement à nous reconnaître membre de cette première communauté. Mais avec les conséquences que cela implique :
accueillir chacun des autres membres comme un frère, dans la prière des uns pour les autres, dans la confiance et le soutien réciproque. Et aussi nous confronter
dans la discussion, pour fortifier notre foi. Et enfin envisager des actions communes, au nom du Christ. Un chrétien isolé ne fait pas une Église, ne porte pas
témoignage : car l'amour ne se vit pas seul ! Il s'agit d'aimer ces frères que l'on n'a pas choisis. Non par devoir, mais pour exercer notre charité, et
fortifier ce corps que nous formons. Vivre en communauté n'est pas simple: cela demande un travail sur soi constant, pour se donner aux autres sans craintes,
pour recevoir les autres sans hypocrisie, mais simplement, avec une grande compassion. Seulement si nous reconnaissons que nous sommes une communauté, et que
notre vocation personnelle ne peut s'épanouir qu'au sein d'une assemblée qui nous force à mettre au service de tous nos talents, qui nous pousse à partager
notre pain avec d'autres, nous serons à la suite du Christ. Et le témoignage, et la prière, et la charité ? Oui, tout cela peut constituer notre mission. Mais
pour aller à la rencontre des autres dans l'École et dans le monde, il faut d'abord nous recevoir comme frères et montrer par notre fraternité quel est le
destin de toute assemblée humaine : marcher ensemble dans la joie vers le Père...
E.Z.
Ne jamais oublier que c'est Dieu qui agit par nous
Enrica, pour préparer cet article-discussion nous présentait comme une provocation la proposition suivante :
Je ne vois pas l'intérêt de parler de mission commune : mettre des mots pompeux sur ce qui se fait naturellement... l'action de l'Esprit
saint n'est pas à revendiquer, mais simplement à vivre dans la prière,
que nous partageons. Or cette proposition a tout de même quelque chose de juste : il me semble vraiment important de ne jamais
oublier que c'est Dieu seul qui agit, et tous nos projets ne doivent pas nous donner
l'impression que nous entreprenons l'action de Dieu car cela ne mènerait
qu'à une action vaine. Dieu ne se prive pas d'agir le plus pleinement par
les agents qu'on attend le moins, qui semblent les moins organisés ou les
moins formés pour annoncer la Parole. Comme ce constat ne peut être un
appel à ne rien faire, c'est donc simplement le rappel que nous ne savons
pas ce que nous faisons. Cette remarque ne va pas seulement contre l'orgueil
de croire que nous faisons des merveilles quand, par notre vanité,
nous empêchons Dieu de faire quoi que ce soit, mais aussi contre le
découragement : même quand il nous semble que l'aumônerie --- par exemple --- ne
sert à rien parce qu'aucun des objectifs n'est atteint,
Dieu sait comment agir. Il était à l'oeuvre même les pires années de
l'aumônerie et ne le sera pas plus quand une meilleure organisation (dans le
meilleur des cas) rendra cette action plus manifeste.
Puisque ceci n'est ni un appel à ne rien faire, ni un renoncement à toute réflexion sur la mission de l'aumônerie,
voici quelques remarques sur deux domaines importants de cette mission :
-
La mission caritative : beaucoup de talas choisissent, indépendamment de l'aumônerie, une action caritative ; quoiqu'il soit
fondamental de se sentir libre dans le choix de celle-ci, peut-être serait-il bon de réunir un peu les formes de
service que chacun de nous choisit. On pourrait en effet imaginer un service d'aumônerie (ACAT ou GENEPI
ou visites de personnes malades, âgées, voire service dans l'École)
- L'évangélisation des normaliens : c'est essentiellement à l'échelle individuelle que les normaliens peuvent évangéliser les normaliens.
Néanmoins, certains constats permettent de parler d'une évangélisation à l'échelle de l'aumônerie : le succès de la visite de Mgr Barbarin auprès
de quelques personnes non-catholiques, ou encore le fait que certaines personnes qui n'achètent pas le Sénevé puissent le consulter sur internet.
Mais surtout, il est facile de constater que la participation aux activités de l'aumônerie suscite en elle-même auprès des personnes que nous côtoyons
des interrogations et des discussions très riches ; le monde se rappelle bien plus souvent que nous-mêmes que nous représentons l'Église !
Enfin, il me semble
évident que pour vivre plus intensément la vie communautaire, il faut vivre
plus intensément notre désir de Dieu qui nous rapprochera naturellement de
nos frères ; toutes les autres considérations "concrètes", si on les estime plus importantes, risquent de nous rendre indisponibles à l'action
de Dieu
Le désir vrai de communauté ne peut être ressenti que
comme un appel de Dieu qui nous rassemble et si nous nous rassemblons sans
ce désir divin en nous, nous ne serons jamais qu'apparamment rassemblés.
J.-B. G.
Du Boisseau au chandelier
Je crois que pour ce qui est de prier et de vivre communautairement avec des pâtes aux petits pois c'est dejà pas mal. Mais on peut parfaitement vivre
droitement en allant aux laudes, en donnant aux oeuvres et n'être qu'un chrétien à demi, c'est-à-dire sous le boisseau. A mon sens, il y a là un vrai
problème (personnel, de moi-même, mais pas seulement). Une ville située sur une montagne ne peut pas rester cachée. Par contre, une cave... Beaucoup plus
peut être fait pour organiser des activités à destination des non-talas. Exemple tout bête : je me souviens de mon temps
qu'une conf' de Barral sur les Psaumes à Ulm
avait pu attirer beaucoup de monde, et pas seulement des bonnes soeurs et des loubavitchi. De la catéchèse pour païens crasseux, c'est facile, à notre portée.
Encore faut-il penser lorsqu'on organise quelque chose : est-ce que c'est susceptible d'attirer des gens lointains? Bon je tripe avec un évêque, mais est-ce
que au moins une rencontre a été prévue pour confronter notre foi à d'autres choses ? Ce n'est pas une critique des jeudis
talas, ils sont très forts pour une
vie communautaire, mais personne ne viendra nous voir au couvent. Second point : il est facile (et bon) d'orienter aussi nos autres activités vers la mission.
Exemple (je parle en vieux, ça a pu changer), les intentions libres lors des heures, voilà quelque chose qui peut amener
notre vie spirituelle à considerer l'École.
L.D.
Demander chaque jour au Christ ce à quoi Il nous appelle
Il me semble qu'en ce qui concerne le coeur de la question posée, à savoir SI l'aumônerie a une mission, la réponse ne peut être que
positive : l'Église est fondamentalment missionnaire, la vie dans l'Esprit ne peut pas ne pas se traduire par le service.
En ce qui concerne le comment, tout est possible : il y a des communautés contemplatives et des communautés apostoliques, des laïcs et
des consacrés, et tous sont autant l'Église du Christ ; dans chaque état on peut lui être fidèle, servir le Seigneur, l'Église et les
hommes. Notre communauté (car je crois que nous formons vraiment une communauté, une cellule du Corps du Christ) est bien particulière. Il ne s'agit pas d'en
faire un ordre religieux : les ordres religieux ont des règles ou des constitutions, nous pas.
Simplement parce que nous qui sommes appelés par l'Esprit à former cette communauté n'y sommes que de manière temporaire ; ceux qui en font partie y passent un
an, partent à l'étranger ou passer l'agrégation, reviennent, s'en vont. On ne s'engage pas à l'aumônerie de l'ENS comme chez les
bénédictins, au Carmel ou au Chemin Neuf : l'on choisit un ordre parce que c'est lui qui porte la mission à laquelle nous discernons que le
Seigneur nous appelle ; là, il s'agit de discerner à quelle mission le Seigneur appelle ceux qui forment notre communauté.
C'est pour cela, à mon avis, qu'il importe, peut-être plus encore que pour une communauté classique, que nous demandions avec ferveur au
Seigneur de nous révéler quelle est pour nous Sa volonté. Dire chaque matin les laudes est, en soi, une mission, pour le service du
Seigneur auquel nous rendons grâce, pour le service de l'Église à qui nous (= la communauté) permettons de se réunir en prière, pour le
service du monde et en particulier de cette école que nous sanctifions par cette prière en ses murs. Mais il ne faut pas que nous le
fassions par simple habitude, ni que nous ne fassions pas autre chose par habitude. Nous n'avons pas de règle écrite pour nous rappeler
notre appel à la mission, ni pour définir notre mission, et cela est juste ; mais cela implique que nous entretenions nous-mêmes, comme
individus et comme communauté, le souci de savoir ce à quoi le Christ nous appelle, nous en particulier, qui sommes ensemble cette année.
G.B.
Simplement. Travailler dans la foi et la prière
On parle de vocation personnelle, de vocation collective ou communautaire, de mission... Autant que j'arrive à discerner, je ne suis pas sûre que tout cela (je
ne parle que pour moi) soit vraiment lié, ou du moins que le mot de "vocation" ait le même sens. Je ne fait pas partie, et je le regrette sincèrement, des
personnes qui connaissent leur vocation personnelle. Je n'ai pas cette chance, mais je ne prends peut-être pas non plus suffisamment le temps de m'interroger
assez sur le projet que Dieu à pour moi. Reste qu'il me semble évident que l'aumônerie a vocation à quelque chose
dans cette école, et que c'est dans ce
quelque chose que
réside sa mission. Mais
je ne suis pas sûre que cela soit lié à ma vocation personnelle. Je pense qu'on peut avoir une foi réelle sans être tout à fait fixé sur sa vocation et
accomplir des choses bonnes au sein de l'aumônerie sans connaître sa vocation personnelle.
Je suis en train de devenir allergique aux discours pneumatologiques en tous genres. Qu'il faille prier pour l'école me paraît évident, qu'il faille le faire
pour discerner la "mission" ou la "vocation" de l'aumônerie au
sein de
l'école est à mon avis plus douteux. Il y a un travail à accomplir qui me semble relativement simple. Les modalités sont sans réelle importance, et ne
nécessitent pas à mon avis de discernement aigu. L'important est d'accomplir ce travail dans la foi et la prière. Cette prière a sûrement une dimension
communautaire importante, mais cette dimension ne peut pas pallier les déficiences éventuelles d'une prière personnelle. En clair :
l'aumônerie,
c'est bien, mais ça ne rend pas automatiquement chrétien.
Pour résumer en une phrase : tout effort accompli par l'aumônerie, s'il est fait dans la foi, est bon. Les modalités sont variables, les tendances se succèdent
(ouverture / fermeture), mais c'est toujours le même Seigneur, et c'est toujours en Son nom que se fait le travail. C'est l'essentiel, non ?
M.-E.B.
Être à l'écoute des autres
Il est indéniable que la vocation est un événement individuel, qu'on
ressent personnellement, mais je ne crois pas qu'on puisse pour autant
dire qu'elle "exclurait" une mission collective. Car, à mon sens, la
vocation d'un chrétien se construit dans le rapport aux autres. Je ne
sais pas trop comment le dire, mais il me semble que la vocation est la
même pour tous mais sous une forme propre à chacun. J'ai conscience de ne
pas être très clair, mais ce que je veux dire, c'est que nous sommes
appelés en tant que chrétiens à former une communauté, et le caractère
personnel jouera sur le rôle qu'on est appelé à y jouer. Du coup, l'expression de mission commune ne me dérange pas,
car nous avons tous la même mission, mais chacun selon nos différences,
qui est de vivre dans l'Esprit et d'essayer d'apporter Sa paix à ceux
qui nous entourent. Bref, quand bien même l'aumônerie ne serait pas
homogène, nous avons, à mon sens, la même vocation, ce qui fait justement
que l'on peut se rencontrer pour partager des activités communes (messe, gâteaux...) Je ne crois pas qu'on puisse vraiment parler de mission d'évangélisation
dans l'École. Notre rôle est plutôt de montrer qu'on existe et que l'on
n'est pas dangereux. Il ne s'agit pas pour nous bien sûr de "soigner"
l'image de l'Église, mais plutôt de montrer qu'on peut vivre en Église
dans le contexte actuel, et surtout que la foi n'est pas réservée aux
"vieux réactionnaires". À mon sens, notre mission première est de faire
savoir ce qu'est la foi chrétienne aujourd'hui et en quoi elle n'est pas
incompatible avec l'héritage laïc et républicain qu'incarne l'École.
Attention, je ne parle pas de façade, mais simplement de proposer un
exemple (pas au sens de modèle...) de vie heureuse qui repose sur une
foi commune. Ce qui va de pair avec une mission de prière pour l'École,
je pense. Un de nos lieux de parole est bien sûr le Sénevé, qui s'adresse à tous, mais il est certain qu'il n'est pas
reçu par tous. Le Sénevé pour moi n'a pas de message à transmettre :
c'est comme ce que je disais plus haut, je le perçois comme un moyen de
montrer qu'on peut réfléchir en Église, chacun avec nos différences, nos
approches du religieux. Les points qui fondent la communauté tala sont
pour moi les moments de prière commune (laudes, messe...), de réflexion
commune (retraites...) mais aussi les moments de vie commune (repas,
pélé). Ce n'est pas très original, ça regroupe un peu toute la vie de
l'aumônerie, mais pour moi c'est ce qui fait la force de l'aumônerie. Et
pour prendre un exemple personnel, c'est un peu pour moi comme la
communauté des musiciens (à l'Ecole ou dans mon harmonie à Belfort) : ce
qui la fonde, c'est le fait d'avoir un projet commun mais aussi toutes les
activités "divertissantes" qui l'accompagnent (repas...). Je ne mets pas sur le même plan ces deux communautés bien sûr : la communauté tala a la force de la
prière et de la
foi en plus, qui crée à mon sens une confiance réciproque et qui repose
sur un projet bien plus essentiel pour ma vie de tous les jours,
puisque nous engageons toute notre existence.
C'est à la fois un lieu de refuge et un lieu de lumière. Mais ce n'est
pas un refuge pour s'éloigner du monde, mais pour y retourner avec la
force de l'Esprit. Car pour être le sel et la lumière de l'ENS, nous
devons nous-mêmes nous en sentir capables (capaces Dei), ce qui n'est
possible que par le "ressourcement" dans l'aumônerie, dans un lieu où il
y aura toujours quelqu'un à l'écoute.
En fait, si je devais résumer notre mission à l'École, je dirais tout
simplement que c'est une mission d'écoute des autres.
S.P.
Être à l'écoute de Dieu
Pour savoir quelle est la mission de l'aumônerie, il convient d'abord de se demander si, en tant que telle, elle en a une, au-delà des vocations particulières
des chrétiens qui la constituent. Autrement dit, peut-on «orienter » l'activité chrétienne de chacun pour lui donner un sens particulier, une «ligne directrice » globale ?
Deux éléments de réponse me viennent, découlant du fait que l'aumônerie n'est rien d'autre que l'Église à l'École : tout d'abord, un chrétien ne peut vivre
sa foi de façon indépendante de l'Église et de ses besoins. Ma vocation personnelle ne m'appartient pas : il s'agit du plan de Dieu sur moi, inscrit dans le
cadre de l'histoire du Salut dont les clefs ont été remises à l'Église. Mais ceci ne signifie pas que l'aumônerie doive régenter la vie chrétienne de tous,
simplement que, étant chrétiens à l'École, nous ne pouvons épanouir pleinement notre vocation de membre du Corps du Christ que dans le Corps du Christ et par
rapport à lui. Paraphrasons ici saint Paul : bien sûr, chacun a une façon différente de vivre sa foi, comme chaque membre a une fonction particulière dans le
corps, mais c'est toujours en vue de l'animation du corps, qui a également des tâches particulières à accomplir en tant que corps. Ne nous laissons pas
effrayer par le fait que le groupe tala est hétérogène et a une forme bizarre : le corps humain est hétérogène et a une forme bizarre, et c'est cela qui le
rend plus intéressant, plus opérationnel et plus ouvert qu'une boule de bowling. Dieu nous donne d'être rassemblés en ce lieu, voyons ce que nous pouvons faire
tels que nous sommes.
Que peut-elle être, cette fameuse mission de l'aumônerie, sinon la mission de l'Église, appliquée dans le contexte particulier de l'École normale où la
Providence l'a placée --- c'est-à-dire principalement l'annonce de l'Évangile. Pas forcément en priorité dans le sens «recrutement » du terme, mais
en étant une présence visible de l'action de Dieu, au sens où l'Église est sacrement pour le monde. Peut-être n'est-ce pas immédiatement visible, mais notre
prière quotidienne, nos rencontres, l'amitié qui nous lie, et même le Sénevé (si !) constituent un témoignage qui, j'en ai déjà eu l'expérience, porte des
fruits.
Les modalités concrètes de ce témoignage sont à discerner d'année en année, voire de jour en jour. Ce discernement se fait bien sûr par la prière en commun,
mais il faut se garder de croire qu'elle dispense de réflexion. Si nous avons reçu les dons de la parole et de l'intelligence, c'est bien pour que nous en
fassions usage au sein de l'Église et en vue de Dieu. Si nous nous contentons de prier ensemble en espérant que ce que nous devons faire va nous tomber dessus
en langues de feu, nous n'arriverons pas à grand'chose --- en tout cas nous, les intellectuels, pour qui l'expression des choses divines passe par la parole,
la définition, le raisonnement. On peut voir ça comme un handicap1,
et de ce fait il faut se donner les moyens de comprendre ce que l'Esprit dit à notre Église, sans nous prendre pour des Premiers Chrétiens pour qui la chose venait toute seule par la prière.
Notons au passage que ce fardeau difficilement évitable (même pour les scientifiques) qu'est le statut d'intellectuel fait également partie de notre mission,
nous dirigeant naturellement vers l'évangélisation des intellectuels, la compréhension en profondeur de notre foi pour savoir la présenter à un monde très
exigeant en fait de rigueur. Non que l'on doive théoriser la foi au risque de l'assécher, mais nous devons être capables de rendre compte, en termes adaptés à
notre entourage, de l'espérance qui est en nous, en gardant devant son mystère une grande humilité, sachant bien que nous, les sages et les savants, n'y
comprenons finalement pas grand'chose.
S.R.