Éditorial

Visibilia et invisibilia


Voici le premier numéro de Sénevé pour l'année universitaire 1996-1997. Et comme il s'agissait de commencer, d'inaugurer à la fois le tirage et l'année, nous avons proposé aux plumes dont vous lirez plus avant les productions le thème aussi bien central qu'inaugural, ``L'Engagement".
Or l'engagement, c'est avant tout celui de notre communauté chrétienne au sein de l'École normale. Cet engagement a ou devrait avoir deux axes, celui des ``choses visibles", celui des ``choses invisibles" dont parle le Symbole de foi de Nicée-Constantinople.
Avant tout, celui des choses visibles. De même que le Fils de Dieu, Vrai Dieu né du Vrai Dieu, a pris chair humaine et figure visible, la mission qu'il confie à ceux qu'il appelle et envoie proclamer son nom qui est l'amour est mission de faire corps. La mission qu'il confie à chacun est une mission de représentation : les chrétiens, rassemblés dans une unique convocation dans le nom unique de Jésus, forment le corps du Christ, corps visible évidemment car les fantômes, les invisibles, n'ont pas de corps, et le Christ n'est pas un fantôme. Le Christ a créé l'Église pour que resplendisse sur son visage la gloire de son créateur et instituteur. Notre première mission à nous, Église du Seigneur à l'École normale, est mission de présence visible: nous devons au coeur du monde former le rassemblement qui est la présence du Christ. Nous devons nous engager, c'est-à-dire montrer par des signes visibles notre existence et le groupe que nous formons, un groupe que rassemble plus que l'amitié, la confiance et l'amour pour un même Seigneur. Il nous incombe certes, avec l'aide de l'Esprit, de bâtir ce groupe, un groupe où chacun se sente chez lui, non tant pour des questions d'affinités, de convergences politiques, ou de goûts communs, mais du fait et uniquement du fait de l'accueil ecclésial du frère, et de la fraternité dans le Christ. Soyons une communauté solidement cimentée, mais attention, non une communauté d'amis, un cercle de connaissances, un groupe de "potes", mais une fraternité où tout homme parce qu'il est celui dont le Christ a pris l'image, est membre de droit. Tout ce qui est humain est christique, tout ce qui est christique est ecclésial (c'est-à-dire, à notre mesure, tala).
Mais l'engagement que nous prenons en tant qu'église, la mission que Dieu nous confie est toujours au-delà de ce que nous sommes. Pour utiliser une comparaison, si nous devons être une image (vivante) du Christ, cette image possède une profondeur. L'image ne se résume pas à son dessin, elle est douée d'un resplendissement. Quelque chose d'invisible est derrière l'image et la fait apparaître. Quelque chose de transcendant dépasse sans cesse ce que nous sommes pour nous faire être ce que le Père aime. Quelque chose d'absolument libre (l'Esprit souffle où il veut) travaille en nous et en quelque sorte nous précède. La mission confiée est "pneumatique", elle est faite dans l'Esprit. Nous ne saurions nous en emparer possessivement, nous ne saurions prétendre que nos actes en achèvent absolument le contenu.
N'oublions pas que notre principal office est d'être, à l'École et pour l'École, sans cesse dans le sein du Père, dans le coeur de Dieu, comme le Fils dont nous avons la mission et la grâce d'être l'image. Bref, l'Esprit dans sa liberté infinie, nous demande de nous laisser guider par l'esprit de prière, car prier est l'activité manifestant le plus clairement le fait d'être dans le sein du Père, et, débordant le coeur à coeur dans le silence, est la norme de notre vie spirituelle, de notre vie d'apôtres.

Cécile Poisson, Édouard de Pirey, Marie-Bénédicte Daviet, Xavier Morales


Article paru dans Sénevé


Retour à la page principale