D'Alto Pascio à Compostelle

Marie Langlais


Le lien qui unit Alto Pascio, ville voisine de Lucques (Italie) et Santiago en Galice (Espagne) n'a rien d'évident. A vrai dire, il est même particulièrement ténu, pour ne pas dire forcé. C'est pourquoi il faudra bien tout un article et beaucoup de mauvaise foi pour le mettre en évidence.
Bien sûr tout aurait été plus clair si le titre avait été: "De Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Saint-Jacques-de-Compostelle". Mais il faut bien encourager par un titre un peu énigmatique la bonne volonté du lecteur. Et puis l'homonymie ne suffit pas à démontrer ces deux affirmations:



Seule une chronologie peut rendre évidents ces deux impératifs et montrer qu'ils sont l'aboutissement nécessaire de la plus pure logique historique.


44: Jacques, frère de Jean, fils de Zébédée, surnommé Fils du tonnerre par Jésus, meurt martyr, lors de la grande persécution lancée par Hérode-Agrippa. Témoin privilégié de la Transfiguration et de l'Agonie, il a fidèlement répandu la Bonne Nouvelle en Judée et en Samarie.
A ces faits bien attestés succède bientôt la légende qui va en s'amplifiant à partir du VIè siècle; le corps de Saint Jacques, confié à une barque, serait allé s'échouer en Galice.


759-842: règne sur Oviedo, puis Lisbonne (797) d'Alphonse II le Chaste. Il découvre le tombeau de l'Apôtre.


844: Bataille de Clavijo. Saint Jacques apparaît aux côtés des chrétiens et combat jusqu'à leur victoire sur les Arabes. Il servira dès lors d'emblème à la Reconquête.


951: Godescalc, évêque du Puy, se rend à Compostelle. C'est le premier pèlerin connu.


1180: les frères hospitaliers de Saint-Jacques d'Alto Pascio fondent un hôpital à Paris. Cet établissement possède une chapelle appelée, par simple traduction, Saint-Jacques-du-Haut-Pas.


1213: Saint François d'Assise fait le pèlerinage à Saint-Jacques- de-Compostelle. Malheureusement, pour des raisons que l'histoire n'a pas retenues (vision? bulle papale? ... toutes les hypothèses sont autorisées en l'absence de sources dignes de foi), il choisit de ne pas passer par Saint-Jacques-du-Haut-Pas.


1584: la première église Saint-Jacques-du-Haut-Pas est fondée rue Saint-Jacques.


1630: construction de l'église actuelle.


1980: devenu aumônier des élèves de l'ENS, Jacques-Robert Armogathe abrège son nom par humilité en Jean-Robert Armogathe.


1997, juin-juillet: M. l'Abbé Armogathe et son fidèle compagnon Benoît Pier s'élancent en éclaireurs; partis du Puy - la patrie de Godescalc si vous avez suivi les épisodes précédents - ils arrivent à Compostelle cinquante jours plus tard. Grâce à leurs notes de voyage, les courageux explorateurs nous dessinent un itinéraire spirituel de tout premier plan.


1997, août: l'aumônerie de l'ENS fait, sous le prétexte qui ne trompe personne d'un pèlerinage martinien, une partie du chemin du Saint-Jacques cher aux parisiens, la via Turoniensis qui passe par Tours et Poitiers.


1997-1998: fidèles à une vocation qu'ils ont su lire dans les signes des temps, les normaliens s'impliquent dans la vie de leur paroisse, Saint-Jacques-du-Haut-Pas; ils participent notamment à la messe du dimanche (10h-11h15-18h15-21h). La chorale qui anime la messe de 21h, sous la baguette de Xavier Morales, enregistre son premier album: Comment j'ai survécu aux JMJ (X.M./X.M.), Nuits Chiliennes (X.M./X.M.), Welcome to the conscrits!, en collaboration avec la chorale de Phoenix, Arizona, En route vers Compostelle!(X.M./Oyem, Gabon) font un tabac. 1998, août: l'aumônerie part enfin pour Saint-Jacques-de- Compostelle au cri de "Mont-joie! Corned-beef!".


Le reste appartient à l'Histoire.
Par souci de vérité historique, il faut malgré tout avouer que le Saint Jacques ici invoqué en cache deux: si le Saint-Jacques-de- Compostelle est bien le Matamore, c'est-à-dire Saint Jacques le Majeur, celui qui donne son nom à notre paroisse est Saint Jacques le Mineur. Tout aussi apôtre que le précédent, il est même cité comme "frère" du Christ dont il est en fait le cousin.

M.L.


Article paru dans Sénevé

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