Exégèse d'une talo

Madeleine Wieger


Dans la vaste marmite oecuménique, le Tala ( celui qui va-t-à la messe) est un morceau aux saveurs fortes et contrastées: parfois, n'ayant jamais été confronté à un Talo ( celui qui va-t-à l'office ), il l'interroge avec la plus grande curiosité sur ce qui fait sa différence; souvent, au contraire, il en sait trop, et il joue l'ingénu! Il vous annonce d'emblée que l'unité est illusoire, ou la prévoit avec optimisme pour la prochaine décennie. Il tâche de vous ménager, mais vous taquine aussi sur le rôle de Luther dans le plan du salut... Mais toujours le Tala reste bienveillant et plein de bonne volonté à l'égard de son frère Talo: c'est l'unité dans la diversité (concept protestant s'il en est!).


Le Talo, faute de congénères, pratique l'oecuménisme par immersion, volontiers polémique et d'autant plus stimulant. Au détour d'un couloir ou devant une tasse de thé, nous avons exploré les questions de la grâce, de l'église, des sacrements... ou comparé nos liturgies, nos gestes, nos attitudes. Le dialogue talo- tala a cette exigence qui nous renvoie au sens premier de nos pratiques et de refuser les solutions simplistes.


Pourtant -ou sans doute grâce à cela!- il est surprenant de voir tout ce que nous pouvons partager: les laudes, la messe (ou le culte!), les nuits d'adoration, les retraites, les chocolats théologiques, les exposés de notre aumônier...ou du pasteur Greiner, les chants, les gâteaux, les rires! J'ai eu la grande joie de fêter Pâques avec les talas et de communier ainsi avec eux aux fondements de la foi qui nous rassemble. La limite semble parfois bien ténue, même si subsiste toujours un goût d'amertume devant une communion jamais parfaite.


Le groupe protestant -qui reste à inventer!- voudrait à la fois donner une assise confessionnelle au petit talo en développant une activité cultuelle propre, et faire fructifier les trésors de nos différences dans la réflexion et dans la prière, afin de cultiver un dialogue sans "dolorisme", à petite échelle certes, mais qui déploie d'autant mieux ses saveurs; afin de courir le risque d'un oecuménisme où nous deviendrions, les uns aux autres, indispensables.

M.W.


Article paru dans Sénevé


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