La polémique sur le silence de Pie XII pendant la seconde guerre mondiale a rebondi l'an dernier avec l'ouvrage "le Pape de Hitler". Nous proposons ce texte de Bernanos parcequ'il nous semble d'une lucidité remarquable et qu'il est trop peu connu.
Bernanos fait ici référence à la situation issue de la guerre
d'Espagne.
Les masses catholiques se sont raliées à la dictature comme elles s'étaient raliées, quelques années plus tôt, à la République, sous la pression d'événements qu'elles nièrent avoir provoqués, ou même prévus, jusqu'au jour où, le triomphe du nouveau régime se trouvant assuré, elles jugèrent opportune et avantageuse une reconnaissance du «fait acquis». [\dots]
Lorsque je parle des masses catholiques, je me juge avec elles, je ne suis moi même qu'une unité dans l'ensemble. [\dots]
Dans mon propre pays, c'est dans les milieux conservateurs et cléricaux que le parti français de la liquidation recrute ses cadres et ses troupes. Ainsi les catastrophes s'ajoutent aux catastrophes, tandis que les meilleurs d'entre nous rassurent leurs consciences en déclarant qu'ils attendent des consignes. Quelles consignes ? Puisque Dieu lui-même est si respectueux de notre liberté que, dans l'ordre du salut, il ne peut rien sans nous, ne suis-je pas en droit d'écrire que son auguste représentant ne peut rien non plus sans nous ? Mais les mêmes gens qui se font gloire aujourd'hui de leur docilité passive seront les premiers à se dresser contre leurs chefs, s'ils se sentent menacés, un jour, dans leurs personnes et dans leurs biens. Ils les accuseront de ne pas les avoir défendus. Que veulent-ils donc ? Croient-ils que Pie XII, isolé dans son minuscule royaume cerné par trois millions de baïonnettes fascistes, peut réparer d'un seul mot nos erreurs et nos fautes, nos défaillances et nos lachetés ? Il serait trop injuste de condamner le silence du souverain pontife. C'est son silence qui nous condamne.
Le chemin de la Croix-des-Âmes, Décembre 1940.
Article paru dans Sénevé
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