La vie éternelle au temps de la vie quotidienne


Paul Duquennoy


L'espérance de vie ne cesse de s'allonger. Pour les grands-parents de nos grands-parents, elle était la moitié de la nôtre ; vivre 80 ans, cela leur paraissait sans doute une éternité ! Actuellement, il en est qui recherchent une vie éternelle, par exemple en se faisant congeler (ou surgeler ?) jusqu'au jour où l'on pourra les réveiller et leur redonner une vie encore longue et en bonne santé. En arrivant à la fin de cette deuxième tranche de vie\dots Il suffirait de se faire re-congeler, et de période glaciaire en période glaciaire, on atteindrait ainsi la vie éternelle ! Mais est-ce cela, la Vie Éternelle à laquelle nous croyons ?


Les Évangiles ne nous la décrivent pas, cette Vie Nouvelle. Les paraboles nous décrivent le Royaume de Dieu en le comparant à des éléments de notre vie ; dans les Béatitudes (Mt 5, 1- 12), le Christ nous dit à qui il appartient.


Heureux les pauvres de coeur, le Royaume des Cieux est à eux.
Dans le Royaume de Dieu, ce n'est pas par notre richesse que nous éblouirons nos «contemporains». C'est par notre capacité à donner, à abandonner ce que nous avons que nous recevrons le bonheur.


Heureux les doux, ils obtiendront la terre promise.
Dans le Royaume de Dieu, il n'est pas nécessaire de se constituer en groupes de pression, d'établir des rapports de force pour obtenir quelque chose. Laissez aux autres leur place, ils vous laisseront la vôtre.


Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés.
Serons-nous heureux parce que nous pleurons ? Serons-nous heureux parce que nous avons pleuré ? Non, nous serons heureux parce que nous serons consolés : dans le Royaume de Dieu, nous serons entourés de personnes qui, douces et pauvres de coeur, nous consoleront.


Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés.
Les professions juridiques seraient-elles les métiers d'avenir dans le Royaume de Dieu ? Non, les tribunaux n'y ont pas leur place ! Il ne nous est pas dit : heureux ceux qui demandent justice, elle leur sera rendue. Mais ceux qui ont faim et soif de justice ne commettent pas l'injustice. Et ils seront rassasiés car, autour d'eux, ils trouveront des personnes qui ont les mêmes aspirations.


Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde.
«Miséricordieux : qui a le coeur sensible au malheur d'autrui» nous dit le dictionnaire. Dans le Royaume de Dieu, les autres seront attentifs à nos malheurs\dots et nous, attentifs aux leurs !


Heureux les coeurs purs, ils verront Dieu.
Ils verront Dieu : Dieu se montrera-t-il à eux, ou seront-ils capables de voir Dieu ? Pour voir clair au Royaume de Dieu, il faut avoir désembué ses lunettes. Notre regard est troublé par ce qui, dans notre coeur, est préjugé, désir, ambition\dots Seuls ceux qui ont éliminé cela de leur coeur seront à même de percevoir Dieu, qui se montre à tous !


Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu.
Les fils de Dieu sont artisans de paix\dots Dans le Royaume de Dieu, les artisans de paix seront reconnus comme fils de Dieu, fils du Roi de ce royaume, et donc au premier rang ! Que la paix est donc importante ! Le Royaume de Dieu est centré sur la Paix.


Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des Cieux est à eux.
Faut-il être persécuté pour entrer dans le Royaume de Dieu ? Le Christ nous parle de ceux qui sont persécutés pour la justice, pas de ceux qui sont persécutés par la Justice (quoique ce ne soit pas forcément incompatible). Ce qui est central, c'est le désir de justice. Le Royaume de Dieu appartient à ceux qui désirent ardemment la justice. C'est là qu'ils la trouveront.


Heureux serez-vous si on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les Cieux.
Devons-nous attirer les insultes et les calomnies pour être récompensés ? Les mots importants sont : «à cause de moi». Le Christ nous parle ici des martyrs (ce qui veut dire «témoins de Dieu»). Certains donnent jusqu'à leur vie pour témoigner, tranquillement, du Christ. Je pense par exemple aux moines de Tibhirine, qui ont vécu sans bruit dans la prière, dont la mort a changé radicalement la dimension. Mais être calomnié, insulté parce qu'on témoigne du Christ est de même nature. Là encore, le Royaume de Dieu est centré sur ceux qui donnent, non sur ceux qui ont.


Ces Béatitudes nous décrivent le Royaume de Dieu. Bien sûr, nous croyons que, pendant la Vie Éternelle, nous sommes appelés à vivre dans le Royaume --- à condition, sans doute, de le vouloir. Mais faut-il vraiment attendre la mort pour vivre ? Ce que les Béatitudes nous demandent n'est pas à vivre plus tard mais aujourd'hui ; ce qu'elles nous promettent n'est pas à trouver dans un au-delà lointain, mais bien dans notre vie de tous les jours. Le Royaume de Dieu est, dès maintenant, parmi nous. Sachons le chercher et le trouver.

P.D.

Article paru dans Sénevé


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