Linguistique
Questionements
Quelques faits de langue :
- On sait intuitivement que "mon chat" a un sens comme "le chat de moi" (par parallèle avec "le chat de Marie").
Se pourrait-il qu'il s'agisse de la structure sous-jacente de cette phrase ?
Alors la structure de surface est obtenue par un mouvement de tête de "moi" vers "le". Je pense qu'on peut
retourver les marques de cette origine dans certaines constructions des langues romanes où le pronom
peut en fait se déplacer plus haut dans la structure :
El corazon se me enancha← El corazon (mi) se enancha
Tu t'es cassé le bras← Tu as cassé le bras (toi)
Dans la première phrase, on doit postuler que "enancharse" est un inaccusatif pour que le mouvement s'effectue du bas
vers le haut et pour qu'il apparaisse comme un clitique du verbe. Dans la seconde, on observe le phénomène tout à
fait surprenant en français qui veut que les verbes pronominaux forcent l'auxiliaire "être" (cf plus bas). A comparer avec les exemples anglais :
You broke your (own) arm.
On peut aussi imaginer qu'il s'agit en réalité de tournures idiomatiques puisque toutes les montées ne sont pas permises :
(?)Tu t'es détruit la maison
-
Le domaine NP marque un contraste sémantique net entre les adjectifs proches du nom qui en modifient directement
le sens, et ceux plus éloignés qui intervienent plus loin dans la composition. Cf l'exemple suivant de Cinque :
She interviewed every POSSIBLE possible candidate
She interviewed every possible candidate POSSIBLE
Elle a fait passer un entretien à tous les candidats potentiels possibles
Elle a fait passer un entretien à tous les potentiels candidats possibles
Le comportement des langues romanes pour les adjectifs est sans surprise, le symétrique du comportement de l'anglais et apparentés
(révélant une autre symétrie intéressante avec le domaine VP pour ces deux familles).
Tout ce préambule pour dire que l'on peut sans doute révéler cette fracture avec le pronom démonstratif "celui/celle" du français. Ce mot ne peut être employé seul :
*Celui est venu
Mais est compatible avec un certain nombre de compléments :
- Celui qui m'a parlé est venu.(Relative)
- Celui de Jean est HS.(Possessif)
- (Jean a offert à Marie son cadeau. Il est très joli.) Celui de Pierre était plus beau encore. (Destinateur)
- ?(As-tu vu les photos ?) Celles prises à Paris seulement.
Mon intuition est que la dernière phrase bien que très marquée l'est bien moins que d'autres comme :
*(Tu as vu les trois boîtes ?) Celle rouge m'a l'air bien
Un certain nombre d'adjectifs sont donc proscrits de telles constructions ou, à tout le moins, marginaux.
Ils peuvent néanmoins apparaître occasionnellement
mais dans un sens non-intersectif uniquement :
(Vous vouliez parler de l'oeuvre de Monet ?) Non, plutôt de celle, magnifique, de Van Gogh (*magnifique).
Quand il apparaît, il apparaît généralement accompagné d'un complément intersectif et précède celui-ci. Il semble en effet qu'il y ait une contrainte qui
veut que ce pronom soit défini par un complément (qui a alors un sens intersectif).
Quand cela est impossible, on recourt aux pronoms fourre-tout "celui-ci", "celui-là".
-
Deux points de vue peuvent être adoptés vis-à-vis des anaphores "se" dans les langues romanes. Ou bien elles sont intégrées morphologiquement
au verbe lui-même, ou bien elles en sont indépendantes. Un argument fort pour la première théorie est donné par l'auxiliaire du passé composé en français.
Les paires suivantes résument de manière troublante la situation :
- Je l'ai vu
- Je me suis vu
- Ili l*i,j'a vu
- Ili si,*j'est vu
A mon sens, c'est une preuve assez faible et je pense qu'un point de vue purement syntaxique peut dériver les faits.
Une de mes raisons de penser cela vient de faits assez déroutants des dialectes stéphanois dans lesquels le passé surcomposé est une
forme licite et productive chez les plus vieilles générations. On y trouve les productions suivantes :
- J'ai eu engagé des ouvriers
- Ils se sont eu vus
- *Ils s'ont été vus
- J'ai été parti
- *Je suis eu parti
Ces données sont très indirectes et doivent donc être prises avec grande précaution. A l'occasion, j'irai les vérifier avec un plus grand nombre d'informateurs
mais si elles sont avérées, elles me semblent tout à fait suggestives. Si l'on est partisan d'une théorie morphologique, il faut expliquer pourquoi
"partir" n'exhibe pas le même comportement que ces confrères pronominaux. Ce sont tout deux des inaccusatifs, construits avec le verbe "être". D'un point de vue morphologique,
rien ne distingue donc ces éléments lexicaux. D'un point de vue syntaxique en revanche, le
"se" est vraiment une anaphore et est visible du point de vue de la génération syntaxique. Il reste à expliquer
pourquoi il déclenche l'apparition de l'auxiliaire "être". Avis aux amateurs !
- Une des erreurs récurrentes de français chez les enfants est dans le suremploi de l'imparfait.
Quand ils jouent à des jeux de rôle, on peut entendre des phrases comme :
"Et on disait que t'étais la maîtresse et que moi, j'étais l'élève"
Je me demande quelle est la valeur de cet imparfait.