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Départ Routier





Thomas Deneux

Le 8 juin, c'est à dire dans un mois, je vais prendre mon «Départ Routier». C'est un engagement qui se prend vers la fin des années de scoutisme dans les mouvements SUF (Scouts Unitaires de France) et Scouts d'Europe, qui résume l'ensemble de la «progression scoute» de l'enfance à l'âge adulte et est un engagement à vivre toute sa vie selon l'«idéal scout».

C'est l'occasion pour moi de réfléchir à un certain nombre de choses, et je me propose de vous montrer un peu en quoi consiste cet engagement, et finalement (en restant modeste et forcément subjectif) comment un mouvement comme le scoutisme conduit des jeunes à prendre leurs responsabilités à l'entrée dans la vie active.

Je vais resituer cet engagement dans son contexte avant d'en donner le texte, puis expliquer ce qu'il représente pour moi.

Les SUF ont un découpage pour leurs activités en trois tranches d'âges :

À chaque branche correspond une progression personnelle, qui reprend les valeurs chrétiennes en les transposant au concret des âges et des activités des jeunes (exemple tirés des «lois» qu'ils s'engagent à suivre : «le louveteau est toujours propre», etc., «le scout mets son honneur à mériter confiance», «le scout voit dans la nature l'oeuvre de Dieu, il aime les plantes et les animaux», etc.).

La progression du routier est tournée vers le Départ routier : en général, après quelques années de Route pendant lesquels il apprends par l'expérience et la réflexion ce que cela signifie, il prononcera le texte qui suit. Comme son nom l'indique, le Départ routier n'est pas un aboutissement, mais un début ; un moment où on affirme solennellement s'engager dans la vie en se donnant certaines directions (ce qui ne veut pas dire que tout est certitude) : désirer s'imposer une discipline de vie, agir avec sérieux et honnêteté, chercher le Vrai, reconnaître dans tous les hommes une autre créature divine dont on a quelque chose à apprendre.

C'est ce que je ferai le 8 juin au soir, au cours d'un rassemblement à la lueur des torches, au cours de ce cérémonial sous forme de dialogue avec le chef de clan (le chef routier, qui en général est juste le plus ancien des routiers). Et comme c'en est l'habitude dans mon groupe scout, je partirai seul, une torche à la main, pour marcher de nuit sur la route de Chartres.

Le Cérémonial



Le chef de Clan (s'adressant au Routier): « X... tu vas prendre ton Départ. Tu veux mener ta vie à la manière et dans l'esprit des Routiers. Avant de recevoir ton engagement devant notre communauté, je vais te rappeler les principales exigences de la Route.

As-tu compris que pour justifier l'espérance que Dieu a mise en toi, tu dois t'imposer une discipline de vie ? »

Le Routier : « Oui. »

C.C. : « Veux-tu n'être esclave ni de tes caprices et de ton confort et avoir toute ta vie une âme de pauvre ? »

R. :« Oui. »

C.C. : « As-tu compris, par notre amour de la nature et du camp, qu'un routier ne se paie pas de mots ? Promets-tu de conformer tes actes et tes pensées aux exigences du réel ? »

R. : « Je le promets. »

C.C. : « As-tu compris, par la communion à la joie et à la peine des hommes que nous recherchons dans nos entreprises et dans nos services que la vie est à prendre au sérieux, que tout acte d'un routier compte et engage ? »

R. : « Oui. »

C.C. : « As-tu compris, à travers nos activités, qu'un routier a l'amour passionné de la vérité, qu'il ne se contente pas d'à peu près, ou de la possession tranquille des vérités toutes faites ? Veux-tu, en toutes choses, rechercher humblement la vérité et librement la servir, sans écraser autrui sous le poids de ta découverte ? »

R. : « Je le veux. »

C.C. : « As-tu compris, à travers l'amitié fraternelle et les rencontres que tu fais chaque jour, que tout homme est un être unique, et que dans les plus disgraciés comme dans les plus obscurs, luit une étincelle divine qui mérite ton amour ?

Es-tu prêt à ne mépriser personne, à t'entretenir fraternellement avec chacun, à apprendre de tous ? »

R. : « Oui. »

C.C. : « As-tu compris, à travers tes défaillances, que tu n'as pas à condamner les hommes, mais que tu leur dois la bienveillance que Dieu Lui-même te prodigue ?

Promets-tu de rechercher dans les autres, pour la gloire de Dieu, ce qu'ils ont de bon, et d'aimer pour son amour, leurs défauts et leurs imperfections ? »

R. : « Oui. »

C.C. : « Enfin, es-tu décidé, autant que tu le pourras, à t'engager dans une vocation au service de Dieu et de tes frères les hommes ? »

R. : « Oui. »

(Le routier s'avance devant le chef de clan et l'aumônier et pose son sac devant lui.)

C.C. : « Que Dieu te donne la grâce de persévérer dans ton engagement. Que le péché, les désillusions, l'argent et les honneurs n'émoussent pas ta vocation. Que grâce à Dieu, tu restes toujours jeune. »

R. : « Je sais que la grandeur de l'homme est sa fidélité. Connaissant ma faiblesse, je demande à Dieu sa grâce et m'engage à vivre en Routier »

C.C. : « Sois routier en marche dans la communauté des hommes. Reçois ce pain, nourriture pour ta route et signe de la solidarité humaine. Il t'invite au travail, au partage, au combat pour la justice. N'oublie pas qu'il est un autre Pain plus nécessaire encore à la vie ! »

(Le chef de clan remet au routier une boule de pain.)

C.C. : « Reçois cette tente, abri pour ta route. Elle te rappellera que nous n'avons pas sur terre de demeure permanente. »

(Le chef de clan lui remet une tente et le routier charge son sac.)

C.C. : « Reçois cette flamme et cet Évangile qui dissipent les ténèbres de ta route. Cherche et rayonne la vérité, car en toi vit le Seigneur, Lumière du monde. »

(Le chef de clan lui remet une torche allumée et l'aumônier une Bible ou un Nouveau Testament.)

C.C. : « Reçois enfin ces flots portés par tous les Routiers du monde. Ils évoquent ce qui, en toi, de chaque âge, ne doit jamais mourir :

(Le chef de clan lui remet les flots.)

L'aumônier : « Heureux ceux qui ont un coeur de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux.

Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.

Heureux ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre.

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés.

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.

Heureux les de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux serez-vous quand on vous maudira, quand on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de Moi...»

«Ces paroles de Vie, ne les garde pas pour toi; annonce la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu; donne à manger à ceux qui ont faim, à boire à ceux qui ont soif, l'hospitalité à qui frappe à ta porte, un vêtement à ceux qui n'en ont pas; visite les malades, assiste ceux qui sont en prison; et si tu es persécuté pour Jésus-Christ, ne prépare rien pour ta défense, car ce que tu auras à dire te sera inspiré au moment même; ce n'est pas toi qui parleras, c'est l'Esprit du Père qui parlera en toi.

N'oublie pas que la route est un passage par delà la vie terrestre vers le pays de l'éternelle jeunesse, où accueilli par le Père, tu ressusciteras.

Pars maintenant à la suite du Christ et rayonne la paix et la joie. »

(L'aumônier termine en bénissant le routier.)

R. : « Amen. »

Cet engagement, chaque personne qui le prend ne va pas le vivre de la même manière. Ce n'est pas une prise de voeux ! C'est plutôt une invitation à s'arrêter, faire le point sur ce que l'on croit et faire librement le choix d'orientations pour sa vie, à un âge où on a de plus en plus une vision globale de sa vie (j'entends par là que les choix d'études, de relations, de projets de vie... que nous avons à faire à notre âge nous engagent souvent pour la vie et aussi nous obligent à renoncer à une quantité d'autres possibles). Et ensuite ce n'est qu'un début et la « progression » continue.

Le Départ est un jalon posé sur sa route, comme il en existe d'autres, où ayant exprimé solennellement certains désirs, il sera sûrement utile dans l'avenir de s'en rappeler, que ce soit dans des moments heureux ou difficiles. Pour moi par exemple, il y a trois points qui me touchent.

Le premier est celui de la présence et de l'action de Dieu. Même si dans chaque instant de nos journées on ne se représente pas comme évoluant sous le regard de Dieu, je suis persuadé qu'il est présent, et je désire que cela devienne de plus en plus quelque chose de naturel pour moi.

La deuxième chose est de savoir que j'ai besoin de faire un certain nombre d'efforts sur moi-même si je veux continuer de me rapprocher de Dieu (« réussir ma vie »).

La troisième est cette « recherche de la Vérité ». L'idée d'abord qu'il y a bien une Vérité et non pas une pluralité de relativismes (dans la manière de se comporter « en vérité », « avec honnêteté », dans la théologie, dans la science, dans la vision de l'homme et ses droits naturels...). Et ensuite que cette Vérité m'est extérieure, que je ne pourrai jamais prétendre la posséder, mais au contraire doit avoir l'humilité de mes ignorance, et de chercher cette vérité entre autres chez tous les hommes.

Voili voilà... à ajouter encore que par cette cérémonie je rends compte de tout ce que m'a apporté le scoutisme, remercie les personnes rassemblées autour de moi et les prends comme témoins de cet engagement, pour m'aider ensuite à pouvoir le tenir. Et je donne un témoignage à tous des désirs qui m'animent.

T.D.



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