Le combat spirituel
Quelles armes pour le combat spirituel?1
Agnès de Ferluc
Qui parle de combat spirituel?
Faut-il lutter?
On n'ose pas toujours évoquer cette dimension
pourtant essentielle de la vie chrétienne. La Bible lui fait une place, et
notre expérience spirituelle n'en est certainement pas exempte, ne
serait-ce que lorsque le discernement se fait difficile.
Et le
Seigneur lui-même l'évoque, mais pour nous assurer de la victoire, qu'il a lui-même
obtenue par sa mort sur la Croix, pour que, ni déroutés ni envoûtés, nous
sachions hors de nos vies le mal bouter.
«Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. Écoutez: je vous ai
donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions et d'écraser
toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous faire du mal. Mais
ne vous réjouissez pas de ce que les esprits mauvais vous obéissent,
réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.» (Luc
10, 17 - 20)
La conscience de ce pouvoir qui mène à discerner et à agir pour le bien ne doit pas être source d'une gloire personnelle, mais mener à
une plus grande reconnaissance envers Dieu. C'est la démarche de saint
Augustin, reconnaissant envers Dieu non seulement de lui avoir pardonné ses
péchés, mais également de lui avoir épargné d'en commettre
d'autres...
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Ni le désespoir ni la défiance, armes de prédilection de l'Autre, ne
doivent trouver prise en nous, et saint Ignace de Loyola nous met en garde
contre le découragement, qui peut venir d'une méconnaissance des rythmes de
l'âme. L'âme connaît en effet tantôt des phases de consolation, tantôt des
phase de désolation. Les premières nous rendent enflammés de l'Amour de
Dieu, d'une liesse inouïe, tout peut sembler grâce (régularité de prière optimale, patience, augmentation exponentielle du taux de Foi,
Espérance et Charité, regard aimant porté sur le monde, à l'image de celui
du Christ). Il faut cependant
en profiter pour réfléchir à la conduite à tenir quand la bise sera venue,
pendant les moments de désolation. L'ennemi se comporte alors
selon les mots mêmes de saint Ignace, tantôt comme une femme, un amoureux frivole
ou un chef de guerre. Faible quand on use de la force mais plein de colère,
de vengeance et de férocité si on le laisse faire; désirant rester dans le
secret et ne pas être découvert; voulant vaincre et dérober ce qu'il
désire...
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Cela ne suppose pas qu'on ait perdu
toute confiance en Dieu, mais peut ressembler à un retournement sur
soi-même, amener à une vision bornée, de la tristesse, de la
maladresse, une fascination pour les choses sensibles et terrestres et ainsi troubler notre paix.
Quelques interprétations de ce combat...
Saint Ignace souligne trois types de causes à ces phases de désolation:
la première, par notre faute, «c'est que nous sommes tièdes, paresseux ou négligents dans nos
exercices spirituels». C'est d'abord et avant tout parce que nous ne sommes
pas attentifs à la façon dont Dieu nous parle (par nos désirs intérieurs,
des sentiments de paix, joie, des motions de l'Esprit saint, notre
intelligence, les événements de la vie).
La deuxième, permise par Dieu «pour nous faire éprouver ce que nous
valons et jusqu'où nous allons dans son service et sa louange sans un tel
salaire de consolations et grâces
4.».
Enfin, «pour nous donner véritable
savoir et connaissance [...] de ce qu'il ne dépend pas de nous de faire naître ou de conserver une grande dévotion, un amour intense, des larmes, ni aucune autre consolation spirituelle, mais que tout est don et grâce de Dieu.»
Comment lutter?
Le combat de Jacob
Quelle est dès lors la conduite à tenir? Les conseils ne manquent pas!
Saint Ignace recommande, lors de ces phases «de faire énergiquement des changements contre cette même
désolation », tout en demeurant dans la patience, cherchant à «être ferme et constant dans
les résolutions ».
Par ailleurs, saint Paul exhorte les Éphésiens, au chapitre 6, dans
les versets 11 à 20 à se munir de certaines armes pour le combat de Dieu, à
savoir:
— la vérité pour ceinture: l'Église, par la voix de saint Paul, nous invite à chercher la vérité, à
approfondir notre quête et à comprendre sa doctrine pour mieux discerner
les mensonges du mauvais Esprit.
— la justice pour cuirasse: pour contrer la culpabilité et la condamnation qui proviennent de
l'Accusateur, le Seigneur nous invite à pratiquer la justice.
— le zèle de l'évangile de paix: première invitation à l'action! Mais cette
action est pacifique et fondée sur l'Évangile: «Aimez-vous les uns les
autres comme je vous ai aimés.»
— le bouclier de la foi: contre le cynisme, le scepticisme.
— le casque du salut: conscients que nous sommes libérés des péchés du passé,
libérés du pouvoir des péchés dans le présent, et qu'un jour nous serons
définitivement libérés de la présence même du péché, nous pouvons avancer
avec une pleine assurance sous le regard aimant du Christ.
— la parole de Dieu, qui est l'épée de l'Esprit Saint. C'est la seule pièce
offensive de l'armure. Il nous faut fréquenter la Bible, comme le Verbe
nous en montre l'exemple:
c'est en invoquant les paroles mêmes de Dieu que
le Christ
au désert a par trois fois repoussé le tentateur. Cette parole nous guide
vers la fréquentation de l'Eucharistie, pain vivant que nous laisse le
Christ, incontournable pour recevoir la vie éternelle (cf. Jean, chap.6)
— la prière: une traduction du
Notre Père préfère à la formule «Ne nous
soumets pas à la tentation » celle d'une très ancienne prière juive: «Ne
nous laisse pas seuls dans l'épreuve ». Je ne discuterai pas ici de la
fidélité de cette traduction, mais tenais à insister sur la présence, lors
du combat, de
l'Esprit agissant à nos côtés.
— la prière des saints et le conseil des hommes justes.
Nous voici donc parés!
A. de F.