À la découverte des églises viennoises (3) : l'Augustinerkirche et la Michaelerkirche

Sylvain Perrot


Je vous avais promis dans le précédent Sénevé un article sur l'Augustinerkirche ; chose promise, chose due... mais le thème de ce Sénevé m'invite à vous parler d'une autre église, la Michaelerkirche, dont le maître-autel présente une étourdissante Chute des anges. Il est pertinent de parler des deux églises en même temps, en tout cas d'un point de vue géographique, car elles ne sont distantes que d'une petite centaine de mètres. Elles se trouvent dans le quartier dit de la Hofburg1. C'est le nom donné à la forteresse érigée au XIIIième siècle à la limite orientale de la ville. Jusqu'au XVIIième siècle, le rôle majeur est de défendre la cité contre la menace turque. À partir de ce moment-là, la Hofburg perd de son rôle défensif pour être avant tout un lieu de résidence de l'Empereur et de sa cour. Les souverains successifs ont à coeur de modifier les bâtiments, au point que tous les styles se côtoient dans un espace somme toute assez restreint. C'est dans la partie la plus ancienne que se trouve la chapelle de la Hofburg, où se produisent les célèbres Wiener Sängerknaben. Mais je ne saurais vous en parler, puisque je n'y ai pas encore mis le pied... C'est dans ce complexe que se trouvent la salle d'apparat de la Biliothèque Nationale, les écuries impériales et les appartements de Sissi.

L'Augustinerkirche



L'Augustinerkirche
Ancienne église de la Cour, l'Augustinerkirche, l'église des Augustins, est construite dans la première moitié du XIVième siècle et appartient à l'important patrimoine gothique viennois. Elle est consacrée en 1349. C'est l'église qui vit les grands mariages princiers : en 1736, c'est celui de Marie-Thérèse2 et François-Étienne de Lorraine ; en 1770, Marie-Antoinette3 y épouse Louis XVI par procuration, et il en ira de même pour Marie-Louise et Napoléon en 1810. 1854 verra l'union romanesque d'Élisabeth de Bavière et François-Joseph.

Cette église a été peu à peu «absorbée» par les élargissement progessifs de la Hofburg. Le clocher n'étant visible qu'avec du recul, le bâtiment se fond dans le décor. L'intérieur est lui aussi relativement dépouillé, mais cela tient surtout à l'histoire. En tant qu'église de la Cour, l'Augustinerkirche est modifiée à l'image de la Hofburg. Dès lors, si la décoration originale est gothique, un certain nombre d'aménagements baroques ont été faits au XVIIième siècle, en particulier la construction de balcons au-dessus du choeur.



En 1784, il est décidé de redonner à l'église son caractère gothique, en enlevant les parties baroques qui recouvraient celles qui étaient d'origine.



Le dépouillement de l'ensemble confère une certaine importance à quelques éléments qu'il faut signaler. C'est tout d'abord le cénotaphe de l'archiduchesse Marie-Christine, réalisé au début du XIXième siècle. Son époux, Albert de Saxe, a fait représenter la Vertu, la Félicité et la Charité en cortège vers une pyramide en marbre de Carrare de cinq mètres de haut. Au sommet se trouve le génie de la Félicité portant le médaillon de celle qui fut la fille préférée de l'impératrice Marie-Thérèse.

intérieur tombeau de l'archiduchesse Marie-Christine autel


Dans le choeur se dresse un très beau maître-autel néogothique datant du XIXième siècle. D'une hauteur impressionnante, il a été fait avec précision et habileté.



Le choeur est encadré à gauche par une statue de saint Augustin et à droite par celle de saint Ambroise. L'église et le cloître sont la propriété des frères Augustins, dont la spiritualité est bien sûr liée à l'évêque d'Hippone. Les Augustins sont très peu nombreux aujourd'hui, beaucoup ayant pris le parti de la Réforme. Mais l'Autriche abrite encore une communauté vivante et importante, dont le «siège» est le Stift de Klosterneuburg, situé à quelques kilomètres de Vienne. L'Augustinerkirche et les frères Augustins attirent beaucoup de fidèles aux différentes messes, car à l'image de leur saint fondateur, ils attachent une grande importance à la musique dans la liturgie. Chaque Hochamt est fait avec accompagnement musical : les messes de Mozart, Haydn, Schubert sont bien sûr un répertoire de choix, mais le choeur et l'orchestre interprètent des messes de Duruflé, Rheinsberger...



Je finirai par évoquer ce qui fait l'importance de cette église pour la monarchie autrichienne. En effet, à leur mort, les Habsbourg sont enterrés dans la crypte des Capucins, la Kapuzinergruft ; toutefois, leurs entrailles sont inhumées dans la crypte de la cathédrale Saint-Étienne et leurs coeurs se trouvent dans une petite alcôve au fond de la chapelle de Lorette dans l'Augustinerkirche. Curiosité que les guides touristiques français ne manquent pas de mentionner : c'est là que le trouve le coeur de l'Aiglon, défunt fils de Napoléon... La Herzgruft, cripte des coeurs impériaux

La Michaelerkirche



Cette deuxième église n'est pas à proprement parler située dans la Hofburg, mais à la marge. Situons mieux les choses : côté ville, l'entrée dans la Hofburg se fait par le monumental Michaelertor (porte Saint-Michel). Cette grande porte, intégrée dans la Michaelertrakt (aile Saint-Michel), donne sur le Michaelerplatz (place Saint-Michel). Et à peu près en face, vous avez la Michaelerkirche4.



Mais ce n'est pas la dizaine de mètres incriminés qui m'arrêtera... Donc parlons maintenant de cette église, plus ancienne que la précédente, mais où domine le style baroque. Car si l'église est construite en 1220, elle a été maintes fois remaniée sans que l'on ait recherché à rétablir le style d'origine. La façade est un exemple évident de ce mélange des genres : la tour octogonale date de 1340, la flèche de 1598 et la façade néo-classique de 1792.

la Michaelerkirche La Chute des anges


La Michaelerkirche est l'ancienne église paroissiale de la Cour. Elle a été agrandie au XIVième siècle puis l'intérieur rénové au XVIième. Ce dernier est là encore le reflet de différentes époques. Le choeur tout d'abord est gothique et il reste quelques vestiges de fresque de cette époque. Le baroque domine avec les grandes orgues et surtout ce à quoi je faisais allusion plus haut, le maître-autel surmonté d'une Chute des anges sculptée par Karl Georg Merville en 1782. Il est à noter que l'ensemble formé par le maître-autel est la dernière oeuvre religieuse réalisée à Vienne.

S. P.


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