L'école du Seigneur: Calvin et l'amour de la Création
La théologie calvinienne est réputée austère, voire
désespérante: on ne
veut souvent y voir qu'un développement laborieux de la fameuse doctrine
de la prédestination, que Calvin n'a pourtant nullement été le premier à
exposer. S'il est vrai que ce réformateur éprouvait un infini respect de
la majesté et de la puissance du Seigneur et insistait sur ce point
peut-être davantage que d'autres théologiens, il n'en débordait pas moins
d'amour pour ce Dieu assurément lointain mais qui se laisse connaître par
ses oeuvres merveilleuses. C'est ce que montre cette prédication fondée
sur le livre de Job, plus spécifiquement sur les chapitres 32 à 41, où
Élihou essaie, par son discours, de ramener Job dans l'adoration du
Seigneur avant que Dieu lui-même ne s'adresse au malheureux pour lui
révéler sa gloire. Sans doute un tel passage, où se trouve exprimée avec
force toute la distance qui sépare le pécheur de son Père, ne pouvait
qu'impressionner vivement Jean Calvin, qui nous apparaît ici comme un
prédicateur sensible, amoureux de la Création et soucieux d'y trouver
comme une leçon du Seigneur à l'intention de chacun d'entre nous.
Nous voyons que Dieu a si bien disposé le monde que rien plus. Voilà une
sagesse admirable, nous y devons être ravis: il y a une vertu infinie en
ce que Dieu maintient, et conserve ce qu'il a fait, et que le tout est
soutenu en son état. Car il semble bien que ce soit chose impossible.
Voilà donc comme nous devons adorer Dieu en sa puissance. Il y a aussi sa
bonté. Car pourquoi a-t-il fait le monde? Pourquoi l'a-t-il rempli de tant
de richesse? Pourquoi l'a-t-il ainsi orné? N'est-ce pas pour déclarer son
amour envers les hommes, et même sa miséricorde? Comme il est dit aux
Psaumes, qu'elle s'étend jusqu'aux bêtes brutes. Et que sera-ce donc de
nous, qui lui sommes beaucoup plus prochains, et où il a mis plus de
noblesse sans comparaison? Voilà donc la bonté de Dieu qui se montre et
déclare: nous voyons sa justice, comme il veille sur ses créatures, qu'il
a le soin de nous: et cependant nous voyons ausi d'autre côté ses
jugements, nous voyons qu'il gouverne le monde d'une façon si admirable,
qu'encore que les méchants ne cherchent qu'à y mordre, si faut-il qu'ils
demeurent là confus. Apprenons donc de mieux appliquer notre étude à
contempler les oeuvres de Dieu; quand le soleil luit, sachons que Dieu
allume cette clarté-là, afin qu'en contemplant et le ciel, et la terre, et
toutes choses qui y sont contenues, nous soyons conduits à lui, que nous
lui fassions hommage des biens qu'il nous élargit, que rien ne nous
empêche qu'ils soient bien notés et marqués de nous. Voilà Dieu qui veut
que nous comprenions quel il est, non pas que nous puissions venir
jusqu'au bout de cette sagesse (car c'est un abîme trop profond), mais
tant y a que selon notre mesure il nous faut être diligents, et mettre
peine que nous soyons bons écoliers de Dieu.
Jean Calvin, 46ième sermon sur le livre de Job