Le secret de Nirmala
Mère Nirmala
Cette histoire nous est racontée par Mère Nirmala, qui a succédé
à Mère Teresa, pour expliquer la vocation et le charisme des
Missionnaires de la Charité.
Il y a quelques années, en allant à l'ambassade italienne à New-York
pour obtenir mon visa pour Rome, j'ai vu une grande église. Ma
compagne, Sr. Francita, m'apprit que c'était l'église Saint Jean
Baptiste où le Saint Sacrement était exposé chaque jour toute la
journée. J'étais enthousiasmée. Nous sommes allées donc avec grande
joie rendre visite au Saint Sacrement. Après avoir un peu cherché,
j'ai vu Jésus-Hostie exposé majestueusement en haut d'un grand
reposoir. Nous nous sommes agenouillées en adoration. Un peu après, il
nous fallait poursuivre nos activités mais pourtant mon coeur
regrettait de quitter le Saint Sacrement.
En chemin, je me suis mise à penser que ce serait un merveilleux
apostolat de seulement marcher dans les rues et de dire à celui que
nous rencontrerions, qui serait pauvre, anxieux, souffrant, d'aller
vers Jésus au Saint Sacrement exposé dans cette église juste à côté
afin de lui remettre toute son anxiété, ses soucis, ses souffrances et
de recevoir Sa Lumière, Son Amour, Sa Paix, Sa Joie et Son
Réconfort. Il est juste à côté d'eux, Il est là pour eux, ils n'ont
besoin que d'aller Le voir avec une amoureuse confiance.
Sur le chemin
du retour, nous devions repasser par cette église. Je ressentais dans
mon coeur le besoin de retourner dans l'église pour voir Jésus dans
le Saint Sacrement et ce besoin était si fort que j'ai dû m'y
soumettre. Alors que nous montions les marches de l'église, un pauvre
jeune homme, sans doute un drogué, avec de longs cheveux et des
vêtements crasseux, se tenait là assis en me demandant la pièce pour
prendre un café. Je lui ai souri sans lui répondre et suis entrée dans
l'église en me demandant si je devais lui donner les vingt-cinq cents
qu'il me demandait ou si je devais lui donner un café. Avec cette
pensée, je m'agenouillai devant le Saint Sacrement, mais là, je n'ai
pas compris : surprise, Jésus n'était plus là pour moi dans le Saint
Sacrement ! C'était comme s'Il s'était caché du reposoir et était
assis sur les marches de l'église sous la forme de ce pauvre jeune
homme qui attendait ma réponse. Aussitôt, je dis à ma compagne : « ma
soeur, nous allons lui donner un café.»
Au moment où je disais cela, une dame m'a tapé sur l'épaule et m'a
demandé : « À quelle congrégation appartenez-vous ?» J'ai répondu : «
Nous sommes Missionnaires de la Charité, soeurs de Mère Teresa de
Calcutta.» Elle a alors placé un dollar dans ma main en disant : « Un
dollar pour le café.» Remplie d'une grande joie par ce jeu de la
divine Providence, nous sommes sorties de l'église et nous avons
demandé au jeune homme de venir avec nous prendre un café. Nous avons
pu lui payer un café et quelque chose de plus solide. Cela ne nous a
coûté que quatre-vingt-cinq cents ; mon coeur était ému de voir la
joie de Sr Francita et du pauvre jeune homme qui recevait ce cadeau
donné avec tant d'amour. Nous étions tous trois bénis par cet
échange. La joie de cette expérience fut très profonde pour moi parce
que Jésus nous donnait une expérience concrète de notre charisme. Il
nous montrait que c'est Lui que nous aimons et que nous adorons dans
le Saint Sacrement et que c'est Lui encore que nous servons dans le
plus pauvre parmi les pauvres. Notre adoration est sans valeur si nous
négligeons le plus petit parmi Ses enfants, le plus pauvre parmi les
pauvres, le plus pécheur parmi les pécheurs, le plus faible parmi les
faibles. Et c'est Lui qui dans le Saint Sacrement ouvre nos coeurs
pour Le reconnaître, L'aimer, Le servir dans le plus misérable de ces
frères et de ces soeurs.
Le lendemain, je partageai cette expérience avec notre Mère, Mère
Teresa. Elle me confirma que c'était vraiment l'expérience de
notre charisme. Elle me demanda de rester fidèle à ce cadeau de
Dieu pour notre monde et de grandir dans l'amour pour Jésus dans le
Saint Sacrement. Là, Il a soif d'aimer et d'être aimé. Il vient dans
le Pain de Vie pour rassasier notre faim et notre soif de Dieu et
aussi pour nous amener à L'aimer et à Le servir dans le plus pauvre
parmi les pauvres. Il vient alors dans l'affamé, dans celui qui a
soif, celui qui est nu, sans nulle part où aller, celui qui est sans
ami, celui qui a tant besoin d'être aimé par Lui. Et quel que soit ce
que nous faisons pour le plus petit de Ses enfants, Il accepte que
cela lui soit fait à Lui et nous récompense doublement, ici sur la
terre et dans la Vie éternelle au Ciel.
Plus tard, ce matin-là, alors que je parlais à une jeune fille, j'ai
aperçu une enveloppe que l'on poussait à l'intérieur de la maison,
sous la porte principale. J'y découvris un don anonyme de
quatre-vingt-dix dollars. Par la suite, le Seigneur ouvrit mon esprit
et je compris alors : c'était la récompense au centuple de Jésus pour
ce que nous avions dépensé pour Lui, Lui caché sous l'habit de ce
pauvre jeune homme vu la veille. Quatre-ving-dix dollars pour
quatre-vingt-cinq cents.
C'est le Dieu d'Amour qui nous appelle à être Ses petits. Quelle que
soit notre pauvreté, notre indignité, nous sommes Son Coeur, nous
sommes Ses mains pour les plus pauvres parmi les pauvres. Nous leur
révélons l'amour, la pitié, la compassion du Père. Nous voulons leur
montrer combien ils sont précieux à Ses yeux et comment Il les appelle
vers Son Coeur qui seul peut satisfaire leur faim et leur
soif. Leurs coeurs à eux ne peuvent trouver qu'en Lui repos et
paix. C'est pourquoi notre Mère disait toujours : « Nos humbles
travaux d'amour pour les plus pauvres parmi les pauvres, c'est le
travail de Dieu. Nous ne sommes pas des assistantes sociales mais des
contemplatives au coeur du monde.»
d'après You! no 8, 4ème trimestre 1999.