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La parole dans les Psaumes

Anne Robadey

Le livre des Psaumes est le témoin de la prière du peuple d'Israël, de sa foi. On y trouve tout ce qui tient au coeur du peuple d'Israël, ses cris et ses espoirs. Malgré l'ancienneté de ces textes, l'Église les a adoptés pour sa prière quotidienne1; et effectivement, ils se révèlent incroyablement propres à alimenter notre prière quotidienne, à lui fournir les mots pour louer Dieu, pour crier vers Lui, pour apprendre à Le connaître et à L'aimer.

En relisant ce livre avec comme clef le thème de la Parole, du Christ Verbe de Dieu, j'ai découvert la richesse étonnante du champ lexical de la parole dans les Psaumes, et combien nous pouvons découvrir du Christ, Verbe de Dieu, dans ces textes composés bien avant l'Incarnation. C'est que ces textes sont déjà Parole de Dieu !

Un Dieu qui parle

Ce qui est le plus frappant, en tout cas ce qui est premier dans l'expérience d'Israël, c'est que le Dieu qui les a tirés du milieu des autres peuples est un Dieu qui parle:

Depuis la Genèse, sa parole est parole de création, parole efficace.

 
Le Seigneur a fait les cieux par sa parole,
l'univers, par le souffle de sa bouche.
 
Il parla, et ce qu'il dit exista;
Il commanda, et ce qu'il dit survint.2
Dans toute l'histoire du peuple d'Israël, Dieu parle: à Abraham3, à Moïse et Aaron, à Samuel: «Dans la colonne de nuée, il parlait avec eux»4.

Enfin, le psalmiste aime montrer Dieu dans sa gloire, proclamant une parole d'autorité, de jugement, de victoire et de triomphe: «Voix du Seigneur dans sa force», proclame le psaume 28, en célébrant la royauté du Seigneur sur l'univers; de nombreux psaumes célèbrent le Seigneur, Dieu des armées, et c'est à la parole du Seigneur qu'ils attribuent la victoire: «Dans le sanctuaire, Dieu a parlé: Je triomphe! Je partage Sichem, je divise la vallée de Soukkôt.»5 D'autres encore mettent en scène Dieu jugeant la terre, prononçant une parole de jugement.

Ce Dieu dont la parole est efficace et victorieuse est la fierté d'Israël: c'est en effet là que se dévoile la supériorité absolue du Dieu d'Israël sur les idoles des peuples voisins. La description qui est faite de ces idoles dans les psaumes est extrêmement révélatrice:

 
Leurs idoles: or et argent,
ouvrages de mains humaines.
 
Elles ont une bouche et ne parlent pas,
des yeux et ne voient pas,
des oreilles et n'entendent pas,
des narines et ne sentent pas.
 
Leurs mains ne peuvent toucher,
leurs pieds ne peuvent marcher,
pas un son ne sort de leur gosier!6
La description commence et termine par le constat que ces idoles d'or ou d'argent ne peuvent parler, à la différence du Dieu d'Israël dont la Parole est toute puissante.

Une parole sans alliage

La Parole du Dieu d'Israël s'oppose aussi dans les psaumes à la parole mensongère des méchants, des ennemis, des impies:

 
Seigneur, au secours! Il n'y a plus de fidèle!
La loyauté a disparu chez les hommes.
Entre eux la parole est mensonge,
coeur double, lèvres menteuses.
 
Que le Seigneur supprime ces lèvre menteuses,
cette langue qui parle insolemment,
ceux-là qui disent: «armons notre langue!
À nous la parole! Qui sera notre maître?»
 
Les paroles du Seigneur sont des paroles pures,
argent passé au feu, affiné sept fois.
Toi, Seigneur, tu tiens parole,
tu nous gardes toujours de cette engeance.7
J'ai été assez surprise de constater combien les méchants qui s'en prennent au croyant sont souvent, dans les psaumes, accusés plus encore pour leurs paroles que pour des actes: blasphémateurs, calomniateurs, dont la bouche est remplie de malveillance, dont les lèvres sont un piège, les descriptions sont nombreuses, et il est beaucoup plus rarement question de piège, de malveillance, de blessures physiques.

On découvre ainsi, dans les psaumes, le visage de Satan, père du mensonge, auquel Jésus est confronté au désert8: Satan, c'est celui qui dit des paroles travesties, qui profère le mensonge, tandis que Jésus lui répond par un Parole «sans alliage»9, une Parole qui sort exactement de l'écriture sainte, et colle exactement à ce qu'a voulu dire Celui qui l'a prononcée. Le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, c'est l'adéquation exacte entre celui qui parle, la parole qu'il prononce, et ce qu'elle exprime. C'est ainsi que cette parole est parole créatrice, agissante: parce qu'il n'y a pas de distance entre ce qu'elle est et ce qu'elle dit, c'est parce qu'elle est sans alliage.

Écouter la Parole

Si le peuple d'Israël a la chance d'avoir un Dieu qui parle, contrairement aux idoles des peuples païens, et un Dieu dont la parole est pure et vraie, la grande histoire du peuple d'Israël, c'est l'alternance entre les moments où le peuple se tourne vers Dieu et écoute sa parole, et les moments où il oublie cette parole; c'est l'alternance de la colère et de la miséricorde de Dieu, misricorde qui est toujours plus forte que la colère. La parole est sans cesse redonnée, Israël à chaque fois est invité à écouter, à revenir vers Dieu.

Toute cette histoire rejaillit en prière dans le livre des Psaumes: à côté des psaumes qui célèbrent la force de Dieu qui fait sortir son peuple d'Égypte par sa parole, et en vertu de la parole-promesse donnée à Abraham10, on trouve des psaumes qui confessent les péchés d'Israël, ses écarts à la parole de Dieu11, d'autres qui sont les prières de Dieu à son peuple:

 
«Écoute, je t'adjure, ô mon peuple;
vas-tu m'écouter, Israël?
 
«Ah ! Si mon peuple m'écoutait,
Israël, s'il allait sur mes chemins!»12
Le psalmiste, sensible à cette attente de Dieu, à cette parole qui attend une oreille attentive, qui exige d'être écoutée et mise en pratique, cherche à revenir à Dieu de tout son coeur, en s'attachant à la parole, aux commandements, aux ordres, aux invitations de Dieu. C'est là tout le contenu du magnifique psaume 118, que je ne peux que vous inviter à lire: les mots employés sont très forts:

 
J'ai choisi la voie de la fidélité,
je m'ajuste à tes décisions.
Je me tiens collé à tes exigences13
Si la force de la parole de Dieu est dans sa pureté, dans l'exactitude avec laquelle elle correspond à la volonté de Celui qui la prononce, la seule attitude juste pour le croyant, c'est de chercher à correspondre lui aussi à cette parole que Dieu lui adresse. Comme Jésus, Verbe de Dieu, est un avec son Père, comme il n'a fait rien d'autre que la volonté de son Père, comme il est Parole sans alliage du Père, ainsi il nous invite à recevoir sa Parole, à nous laisser modeler par elle pour être nous aussi un avec Lui et avec le Père14.

A.R.


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