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Une expérience missionnaire : l'aide aux prisonniers à Faisalabad, Pakistan

Frère Bashir Francis, O.P.
Proposé par Clément Meunier



« J'étais en prison et vous m'avez visité. » (Mt 25,36)

Le Frère Bashir est un dominicain pakistanais. Il s'occupe d'une école destinée aux enfants pauvres et nous présente ici un autre aspect de son ministère : la visite des prisons. La situation au Pakistan est terrible pour les chrétiens : la loi sur le blasphème permet de condamner à mort ceux qui disent publiquement que Mahomet n'est pas le prophète. Des attentats contre les chrétiens ont régulièrement lieu, organisés par des mouvements islamistes radicaux qui ont un écho important au sein de la population. En 1998, l'évêque de Faisalabad s'est donné la mort pour protester contre la mise à mort d'un jeune chrétien qui aurait jeté une pierre, lors d'une émeute, sur un panneau qui portait le nom de Mohammed. « Il est des moments où un pasteur doit savoir donner sa vie pour ses brebis. » On ne peut pas dire que ce geste terrible ait vraiment mobilisé les chrétiens d'Occident aux côtés de leurs frères du Pakistan...



Je suis le Frère Bashir Francis, dominicain de la province du Saint Rosaire à Warispura, Faisalabad, Pakistan. C'est là-bas que je suis chargé d'un ministère auprès des prisonniers de la Prison centrale et de la Prison Borstal (cette dernière accueillant les prisonniers mineurs) dans la grande ville de Faisalabad. Tous les dimanches matins, je me rends dans chacune des prisons, où, avec nos novices dominicains et quelques personnes qui m'aident, nous prions, faisons du catéchisme, écoutons et conseillons les prisonniers. Il y a toutes sortes de prisonniers, des jeunes et des vieux, des Pakistanais et des étrangers, de vrais criminels et d'autres qui ont commis des petits délits, dont les peines sont plus courtes. Certains ont déjà été reconnus coupables, et peuvent avoir fait appel, d'autres attendent encore la conclusion de leur procès. Onze d'entre eux sont dans le couloir de la mort et l'un d'entre eux est accusé de blasphème, conformément au Code pénal en vigueur au Pakistan. Et, pour 125 prisonniers, c'est la prise ou la vente de drogues qui motive leur emprisonnement. Ces hommes doivent affronter de nombreux problèmes et nous essayons, dans le mesure où nous le pouvons, de les aider à les résoudre. Ainsi, pour ceux qui sont condamnés à mort pour des crimes de sang, nous essayons d'entrer en contact avec leur propre famille et avec celle de la victime pour essayer, autant que cela est possible, de les guider sur un chemin de réconciliation. Dans de tels cas, si la famille de la victime accepte la réconciliation, la peine de mort peut être commuée en prison à perpétuité. Les prisonniers étrangers ont souvent besoin d'aide pour rester en contact avec leur famille. Nous mettons alors à leur disposition nos boîtes e-mail. Nous leur apportons aussi de la nourriture, des articles de toilette, des livres et de la papeterie, des vêtements pour l'hiver --- bref, tout ce dont ils peuvent avoir besoin. Les jours de Noël et de Pâques, nous faisons un office spécial et préparons un repas festif que nous partageons avec les prisonniers. Nous célébrons parfois ces fêtes en compagnie de notre évêque, Mgr. Joseph Coutts, qui nous soutient beaucoup, de notre prieur, le Fr. Zafar Iqbal, de certains de nos frères et soeurs ou encore de volontaires laïcs. Ceux des prisonniers qui ont été scolarisés peuvent bénéficier du système éducatif qui est organisé par la prison. Pour eux, nous pouvons obtenir livres et autre matériel scolaire. Quand ils obtiennent leurs examens et avancent ainsi dans le cursus scolaire, le gouvernement accorde des réductions de peine. Puisque le Pakistan est un pays musulman, les étudiants de cette religion qui obtiennent des examens d'étude du Coran bénéficient aussi de réductions de peine. Il y a de cela quelques années, nous nous sommes battus pour que la même possibilité soit offerte aux prisonniers chrétiens, avec un programme qui devait porter sur la religion chrétienne. Les responsables de la prison ont donné leur accord à condition que nous créions un cursus particulier, des examens etc. En travaillant avec les Églises protestantes, nous avons réussi à remplir ces conditions et à faire officiellement approuver notre cursus --- ce qui nous permet de donner des cours de doctrine aux prisonniers tout en réduisant leur temps de prison.

Nos réunions se font dans la prière, la méditation de la Bible, avec des cours plus formels et des moments de partage des joies et des douleurs. Ceci est particulièrement important pour ces hommes qui vivent en monde clos et sont coupés de leur famille, de la société. C'est ainsi que nous avons pu former des groupes dans la prison, ce qui leur permet de s'aider les uns les autres lorsque nous ne sommes plus là. Se retrouver en prison peut générer une grande angoisse, en même temps qu'une immense colère --- surtout lorsque c'est la première fois que l'on purge une peine carcérale. Sans repères, pris par la peur et la colère, parfois aussi par un ressentiment terrible contre ceux qu'ils considèrent comme responsables de leur emprisonnement, ils ne savent plus vers qui se tourner. Les membres de nos groupes prennent ces personnes sous leurs ailes et les aident à parler de leurs problèmes, ce qui leur permet de leur donner de bons conseils. Quelqu'un en colère peut faire des choses irréfléchies qui ne serviront qu'à rendre sa situation de prisonnier pire encore. Quand des prisonniers plus âgés, qui ont plus d'expérience et qui prient ensemble, aident ce genre de personnes, cela peut renverser la situation et redonner espoir. J'ai vu bien des gens nourrir des désirs de vengeance se transformer sous l'influence de ces groupes et en venir à désirer la réconciliation. Les responsables administratifs de la prison nous autorisent à nommer un des prisonniers responsable du groupe chrétien et il reçoit le titre de Professeur. Il rencontre tous les jours ceux dont il a la charge, à une heure fixe pour des rencontres de catéchèse. Il reçoit un registre de présence que je vérifie et signe lorsque je viens. Il devient ainsi le porte-parole des prisonniers et les aide à résoudre les difficultés qui peuvent survenir avec le personnel de la prison, en dialoguant avec les autorités carcérales, qui sont le plus souvent très coopératives avec lui, ce qui permet parfois d'intervenir en faveur d'un prisonnier malade ou qui a des problèmes. Parfois, lorsqu'un prisonnier a accompli sa peine, il ne peut pas être relâché car il lui reste des amendes à payer. Sa famille, souvent misérable, fera tout pour obtenir l'argent nécessaire. Des bienfaiteurs les aident souvent à payer les amendes, permettant ainsi la libération de cet homme et son retour dans sa famille. Nous rendons grâces à Dieu, qui nous donne de servir ceux de Ses enfants qui sont en prison. Notre gratitude va aussi à ceux qui nous aident par la prière ou par des dons.

Le 25 juin 2002.
Br. Bashir Francis, O.P.
brbashirop@hotmail.com


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