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Comgélisation

Paul Clavier









Récitant :
Il était une fois deux talas qui s'appréciaient beaucoup. Pourtant, ils étaient très différents. L'un était scientifique et s'appelait Prosélitix et l'autre, littéraire, répondait au doux nom de Fonducoeur. Prosélitix, comme son nom l'indique, était très porté à l'action pastorale, à l'évangélisation tous azimuts, et il se répétait comme une devise : « Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! » Fonducoeur, lui, était plus posé, plus discret, plus effacé ou peut-être présent autrement, je vous laisse juger. En cave tala, ils avaient expérimenté le lien de la prière, de l'intercession mutuelle, de l'action de grâce commune ! Malheureusement, leurs chemins ne s'étaient plus croisés depuis quelques temps, parce que... --- mais les voici : écoutons-les plutôt.

Fonducoeur :
Tiens ! Prosélitix ! Ça alors, c'est sympa ! Et quelle surprise ! Moi qui croyais ne plus te revoir à cause de ton AMN à Bourg-en-Bresse !

Prosélitix :
Allons, Fonducoeur : on ne peut tout de même pas rester claquemuré toute sa jeunesse dans le cloître de la rue d'Ulm. Ces postes d'AMN représentent une nouvelle donne apostolique : c'est l'outil idéal d'une super-évangélisation, d'une redistribution des charismes et d'une délocalisation des missions.

Fonducoeur :
Tu as sans doute raison. Moi, je préfère les CST. Mais dis-moi, Prosélitix, tu as l'air tout feu tout flamme pour l'évangélisation !

Prosélitix :
À qui le dis-tu ! J'ai profité de mon exil provincial pour intégrer une « école de charité et de mission ». L'évangélisation c'est mon cheval de bataille. Et le cheval, c'est ma grande passion ! Donc, je brûle d'un zèle apostolique, et je peux dire avec l'apôtre des nations païennes : « Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! »

Fonducoeur :
Oahh ! Quelle pêche !

Prosélitix :
Quelle pêche, dis-tu ? C'est le mot juste ! Une pêche miraculeuse, en eaux profondes ! Là-bas, on me surnommait « son altesse le Duc d'Inaltum ». Et attends, écoute un peu mon cri de guerre, mon hymne national de la nouvelle évangélisation : (Sur l'air de « Aux Champs-Élysées »)

Évangéliser wowowowowoh
Évangéliser wowowowowoh
Au soleil, sous la pluie,
A Montrouge ou à Neuilly
On est tous appelés à évangéliser.

Fonducoeur :
Quel bonheur de t'entendre. Alors comme ça, tu évangélises à... Neuilly ?

Prosélitix :
Bien sûr : charité bien ordonnée commence par soi-même.

Fonducoeur :
Mais tu n'as pas l'impression de prêcher des convertis ?

Prosélitix :
La conversion n'est pas l'affaire d'un instant ! C'est tout le temps qu'il faut se convertir !

Fonducoeur :
Oui, mais la mission ne se cantonne pas à la maison. Et puis, nul n'est prophète en son pays !

Prosélitix :
Et c'est toi, le timide Fonducoeur, qui me fait ce reproche ? Eh bien soit ! Tu l'auras voulu : je t'invite quand tu veux à une évangélisation de rue.

Fonducoeur :
Quand je veux ?

Prosélitix :
Quand tu veux !

Fonducoeur :
Ben maintenant alors !

Prosélitix :
Chiche ! C'est parti.

Récitant :
Et nos deux amis allèrent se placer en embuscade au coin de la rue Gay-Lussac. Prosélitix, sûr de lui, conquérant, aux aguets, se préparait à administrer une leçon d'évangélisation à son ami Fonducoeur. Il pensait déjà aux conversions qu'il allait rapporter dans son escarcelle, aux trophées apostoliques et aux médailles de mission qu'il allait rafler. Fonducoeur, lui, regrettait un peu d'avoir mis au défi son camarade tala. Où l'amour propre et la curiosté nous entraînent... mais... chut, les revoilà, et quelle que soit leur situation, leur audace déplacée ou leur maladresse, prions pour leur mission.

Prosélitix :
Tu vas voir, Fonducoeur, j'ai tout un tas de recettes infaillibles, que j'ai apprises à l'École de charité et de mission : ça marche comme c'est pas permis. Au premier contact, ils tombent comme des mouches. Je pense que je devrais figurer dans le Livre des records... ou dans les Actes des Apôtres. Ou dans les deux... Allez au travail. Tous à vos postes de combat, avec le bouclier de la foi pour armure, le scaphandre de la Parole de Dieu pour avancer en eau profonde !

Fonducoeur :
Tu n'oublies pas quelque chose ? Enfin, je veux dire... tu n'oublies pas Quelqu'un ?

Prosélitix :
Essaierais-tu de te planquer par hasard ? Tu veux de l'évangélisation de terrain ? En voilà ! Le Christ a envoyé ses disciples deux par deux. Eh bien nous sommes deux, il me semble ! À moins que tu te dégonfles ? Tu veux peut-être un carnet de chants grand format pour te cacher derrière ?

Fonducoeur :
Non pas du tout ! Mais tu as bien dit : le Christ a envoyé ses disciples. Avant de partir, ils sont restés longtemps avec lui. Ils ont prié avec lui. Il leur a même dit : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ».

Prosélitix :
Hé là ! Je t'arrête tout de suite ; ne mélangeons pas. La prière, c'est le jeudi soir, la mission, c'est maintenant.

Fonducoeur :
Mais la mission sans la prière, c'est de l'agitation, de la propagande !

Prosélitix :
C'est vrai, pardon, pardon... Où avais-je la tête ?

Fonducoeur :
Pas la tête, Prosélitix, pas la tête... le coeur...

Prosélitix :
Bon, allez ! Je fais une concession tactique : préparons notre coeur dans la prière. Mais ne nous enfermons pas dans la louange. Restons attentifs à ceux que le Seigneur va mettre sur notre route. Tournons-nous vers l'Esprit Saint, mais gardons un oeil sur les coeurs assoiffés.

Fonducoeur :
Voyons, Prosélitix, si tu n'es pas complètement tourné vers le Seigneur, comment pourras-tu l'annoncer ? Tu penses au Seigneur pour les autres, pour leur apporter ce dont ils manquent. C'est une bonne intention. Mais pense d'abord à reconnaître les bienfaits du Seigneur pour toi, ensuite tu pourras dire ces merveilles aux autres. Sois tout entier à ce que tu fais. Ne te divise pas. Ne te disperse pas. Et n'oublie pas l'adoration. D'ailleurs à deux pas d'ici, dans la chapelle des Soeurs de l'Adoration...

Prosélitix :
Ah ça, pour sûr ! Ça aussi, ça fait partie de la recette. L'adoration : à consommer sans modération. Pour l'adoration, pas de doses homéopathiques. J'ai même inventé un slogan : pour l'adoration, il faut des rations d'ado.

Fonducoeur :
Doucement, Prosélitix.

Prosélitix :
Bon d'accord, Fonducoeur. Mais tout de même, ça serait trop bête de laisser filer un client potentiel. Bon, alors c'est parti nous louons le Seigneur sans penser au reste. D'abord on va invoquer l'Esprit : léluiachabadabada-chabadabada-léluiachabadabada-chabadabada-léluia-chabadabada-chabadabada...

Fonducoeur :
Aïe aïe aïe...

Prosélitix :
Comment ça « aïe aïe aïe ! » : c'est un nouveau chant en langue ? Inconnu au répertoire celui-là !

Fonducoeur :
Prosélitix, je ne suis pas sûr qu'on s'y prenne avec assez de douceur et de patience. L'Esprit que nous demandons n'est pas une potion magique, Prosélitix...

Prosélitix :
Quel rabat-joie tu fais, Fonducoeur. Si tu attends d'être en parfaite condition pour évangéliser, tu ne passeras jamais à l'action... Tu vas voir que rien n'est impossible à Dieu. Justement, on va prendre un cantique de libération et d'espérance.

Béni soit le Seigneur, le Tout-puissant
Il sépara la mer Rouge en deux parts
Fit passer Israël en son milieu
Puis engloutit Pharaon et son armée.

Une passante :
Qu'est-ce que c'est que ce raffut ? Qu'est-ce que vous faites ? Une manif pour la guerre au Proche-Orient ?

Prosélitix :
Moi ! moi ! je vais vous répondre. Chère Madame, vous tombez à pic : nous louons.

La passante :
Vous avez loué un emplacement pour chanter faux ?

Prosélitix :
Non, non ma bonne dame ! Nous ne louons pas un espace publicitaire. Nous louons le Seigneur.

La passante :
Je comprends rien. Vous chantez dans la rue pour pouvoir louer la cassette du Seigneur des Anneaux ? Voilà deux euros, et chantez moins fort, ça vaudra mieux.

Prosélitix :
Non, non, décidément il faut tout vous expliquer. Nous louons Dieu pour les merveilles qu'il a faites !

La passante :
Dieu ? Mais c'est un mythe ! On sait bien qu'il existe pas. Et d'abord, quelles merveilles ?

Prosélitix :
Eh bien, puisque vous avez été attirée par nos beaux chants de louange, nous étions justement en train de louer Dieu d'avoir permis à Israël de traverser la Mer Rouge à pied sec. Voyez-vous, Dieu libère son peuple. Tenez ! vous-même, vous avez bien une Mer Rouge à traverser dans la vie, non ?

La passante :
Moi ? non ! j'ai juste la rue à traverser. D'ailleurs si je me suis arrêtée, c'est à cause du feu. Quant à votre histoire : balivernes ! D'abord, Dieu il existe pas. C'est juste une opinion. C'est purement subjectif. Donc les miracles, c'est de l'intox, de la manipulation... Ensuite, on sait bien que les Hébreux ont passé la Mer Rouge grâce à un fort vent d'est et à des courants d'ensablement, comme dans la baie du Mont Saint Michel à marée basse. Devait y avoir au maximum 10 cm d'eau.

Prosélitix :
Euh... vous croyez ?

La passante :
Parfaitement. Bon maintenant, fichez-moi la paix, je me suis arrêtée parce que le feu était rouge pour les piétons, mais pas pour vous écouter.

Prosélitix :
Fonducoeur, qu'est-ce qu'on fait ?

Fonducoeur :
Ben, on continue à louer !

Béni soit le Seigneur, le Tout-puissant
Il sépara la mer Rouge en deux parts
Fit passer Israël en son milieu
Puis engloutit Pharaon et son armée.

La passante :
Encore ! Ne me dites pas que vous êtes toujours en train de louer le Seigneur pour ses soi-disant merveilles impossibles ! Ce que je vous ai dit ne vous a pas convaincus, on dirait.

Fonducoeur :
Justement si.

La passante :
Alors il n'y a plus de sujet de louange. Les Hébreux sont passés grâce au vent d'Est et à l'ensablement, par un gué. Finita la musica...

Fonducoeur :
Au contraire : on loue le Seigneur par ce qu'il a réussi à noyer Pharaon et toute son armée dans 10 cm d'eau ! Comme quoi, avec peu de choses, le Seigneur peut nous délivrer des obstacles et des peurs qui nous poursuivent.

La passante :
Ah ouais... bof... Tiens le feu passe au rouge, vert pour les piétons, je traverse à pied sec, sans votre Seigneur [elle part].

Prosélitix :
Bravo ! bravo ! tu l'as bien eue, Fonducoeur ! Je savais qu'avec un évangélisateur comme moi, tu ferais des étincelles ! Ta réponse était inspirée ! On est les champions, on est les champions ! de l'é-vangé­-vangélisation !

Fonducoeur :
En attendant, elle est partie, et à mon avis, elle est pas près de revenir.

Prosélitix :
N'empêche qu'on lui a cloué le bec.

Fonducoeur :
C'est pas avec le bec cloué qu'elle va se mettre à rendre grâce à son tour.

Prosélitix :
Mais alors j'y comprends plus rien. Que faut-il faire ? Tiens mais voilà une autre victime --- euh enfin je veux dire un autre client potentiel pour l'évangélisation...

Fonduceoeur :
Stop! Tu sais ce qui ne va pas Prosélitix ?

Prosélitix :
Quoi ! quoi ! ce qui ne va pas! Je te rappelle que tu parles au major de la meilleure promotion de la meilleure école de charité et de mission !

Fonducoeur :
Justement. Tu es tellement calé que tu vas beaucoup trop vite.

Prosélitix :
Eh bien oui, je cours, je vole, animé d'un zèle apostolique imperturbable, annonçant l'Évangile à temps et à contretemps.

Fonducoeur :
Je crois quand même que tu mets la charrue avant les boeufs.

Prosélitix :
Comment ça ? Quelle charrue, quels boeufs ? Tu es abonné à Terre et foi maintenant ?

Fonducoeur :
Je crois que tu mets la charrue de la mission avant les boeufs de la charité. L'évangélisation n'est pas un exploit ! c'est un service.

Prosélitix :
Et alors ! Mes pareils à deux fois ne se font point connaître --- Et pour leur coup d'essai veulent un coup de maître. Je veux bien, pour évangéliser, rendre un service, mais ça n'empêche pas de viser l'exploit, pour le Seigneur bien sûr. Faire un service, d'accord, mais que ce soit un ACE, comme au tennis.

Fonducoeur :
Un ACE ? tu ne crois pas si bien dire ! C'est bien ce que le Seigneur te propose. Un ACE, ça veut dire, en abrégé, Adoration Compassion Évangélisation.

Dans l'Adoration, tu puises à la source du coeur ouvert de Jésus.

Dans la Compassion, tu laisses le Père faire en toi son oeuvre d'amour et de miséricorde.

Dans l'Évangélisation, tu laisses l'Esprit annoncer les merveilles du Royaume.

Prosélitix :
C'est bien joli tout ça, mais concrètement, comment on fait ? L'Adoration, d'accord. Mais compatir ou évangéliser, c'est comme boire ou conduire : il faut choisir. On n'est pas polyvalent quand même. Tu m'as toi-même conseillé tout à l'heure de ne pas me disperser, de ne pas me diviser. Alors si d'un côté je pratique la compassion et de l'autre, en même temps, l'évangélisation, je ne vais plus savoir où j'en suis : je serai en pleine comgélisation... Mélangeons la compassion ! avec l'évangélisation ! Comgélisation ! Tu parles d'une recette !

Fonducoeur :
Je ne dis pas que c'est facile. Mais cela vaut la peine d'essayer, non ?

Prosélitix :
Essayer ? D'accord ! tiens ! Voilà justement notre récalcitrante de tout à l'heure qui revient sur ses pas. Elle a l'air encore plus énervée que quand on l'a croisée...

Fonducoeur :
Pourquoi la considères-tu comme une récalcitrante ? Tu la traites comme une ennemie. Ce n'est pas en la regardant de haut ou de travers que tu vas l'attirer sur les chemins du Seigneur ! Pose un autre regard sur elle !

Prosélitix :
Facile à dire ! Mais chut, le voilà. Smile. Sourire bienveillant. Jesus loves you.

La passante :
Vous êtes encore là les illuminés ? Vous me faites pitié. Vous attendez quoi, exactement ? Vous voulez que je vous dise, moi ? Mon mari m'a plaquée, je suis en arrêt maladie, en procès avec mon patron, et on va me retirer la garde de ma fille. Alors vos histoires de curé, franchement ! Comme si y avait pas assez de scandales dans votre Église. Feriez mieux de donner tout votre argent aux sans-papiers...

Fonducoeur :
Euh... vous croyez ?

La passante :
Ah non ! je ne crois rien, moi : je suis pas du tout croyante ! Et à ma place vous le seriez pas non plus. Si votre Dieu existe, pourquoi y a le Sida en Afrique, les attentats, le cancer, la pollution, la guerre en Irak... Votre Dieu qui libère et qui sauve, je préfère pas le connaître. Parce que franchement, le sort des gens, à part quelques privilégiés, ça a pas l'air de le préoccuper. C'est vrai ça, comment on peut dire aux gens qu'il y a un Dieu alors que tout va de travers... [continue à se plaindre]

Prosélitix :
Oh là là Fonducoeur ! Vite, il faut apporter une réponse à cette femme. Elle est complètement désespérée. Vous les adultes, vous avez pas une idée ?... Ah ! voyons : qu'aurais-je répondu au grand oral de l'Ecole de Charité et de Mission ? J'ai trouvé : je vais lui prêcher un truc super. Chère Madame, est-ce que vous connaissez le livre de Job ?

La passante :
Écoutez, des livres de jobs, j'en lis des dizaines : je fais toutes les annonces d'emploi de tous les quotidiens et des hebdos.

Prosélitix :
Oui, enfin, bon, je... Pssst : Fonducoeur, je sèche : Arrête de prier comme un malade et dis vite quelque chose !...

Fonducoeur :
Eh bien, moi je ne sais pas, mais peut-être la Parole de Dieu peut nous tirer d'affaire.

Prosélitix :
Mais oui pardi ! Que ne le disais-tu plus tôt ? Bien sûr : la Parole de Dieu. On a failli l'oublier celle-là ! La divine anti-sèche ! Dépèche ! Vite ! Que dit le Seigneur dans ce cas-là ?

Fonducoeur :
Eh ! doucement ! On tire pas la parole de Dieu comme on tire les cartes. C'est pas l'horoscope de la semaine ! C'est la Parole de Dieu ! C'est pas une gaufrette amusante !!!

Prosélitix :
D'accord, mais ça presse. Seigneur, inspire-nous quelque chose ! Tu as dis à tes disciples : « ne vous préoccupez pas de ce que vous aurez à dire. Mon Père qui est dans les cieux vous instruira à ce moment-là. » Alors Seigneur, quand même, aie pitié de mon activisme et donne-nous ta parole pour répondre aux cris de détresse de cette femme !

Fonducoeur :
Psst ! regarde ! J'ai une parole de l'Évangile!

Prosélitix :
Mais... il n'y a rien !

Fonducoeur :
Si, lis bien. C'est Jésus face au jeune homme riche, dans Marc 10, 21.

Prosélitix :
« Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer ». C'est tout ? : Ah ça, c'est un peu court jeune homme. On pouvait dire bien des choses en somme. Par exemple : l'inviter à une récollection pour parents seuls, ou au prochain pélé de Chartres, ou à une assemblée de prière, ou à la soirée Gospel.

Fonducoeur :
Attends, il me vient un autre texte, qui confirme celui-ci. C'est Jésus devant Marthe, la soeur de Lazare.

Prosélitix :
Ah oui, quand Jésus annonce le happy end ! « Je suis la résurrection et la vie » ! la voilà la solution : Une seule solution, la résurrection ! Je sens que ça va marcher maintenant. Tu vois bien que quand tu t'y mets sérieusement, tu trouves quelque chose d'efficace ! Chère Madame...

Fonducoeur :
Non, Prosélitix, c'est pas exactement l'annonce de la résurrection : il y a autre chose !

Prosélitix :
Quoi ? quoi ? Comment ça ? Lazare ne ressuscite plus maintenant ? C'est quoi ton édition de l'Évangile ? un libelle janséniste ?

Fonducoeur :
Écoute au lieu de râler : « Quand il vit qu'elle pleurait, et que les juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d'une émotion profonde. Il demanda : ``Où l'avez-vous déposé ?'' Ils lui répondirent : ``Viens voir, Seigneur''. Alors Jésus pleura. »1

Prosélitix :
Alors là je perds complètement pied. On nage vraiment en eaux profondes. Et on coule !

Fonducoeur :
Oui, ce sont les larmes de la compassion qui coulent. Et elles viennent tout droit du coeur de Jésus et de sa Parole : « Jésus la regarda, et l'aima ». « Alors Jésus pleura ». Oh! j'en ai encore une autre. C'est Hérode parlant à Jésus : « ``Tu ne réponds rien à ce que les gens déposent contre toi?'' Mais lui gardait le silence et il ne répondait rien »2. C'est cette parole qu'il faut mettre en pratique !

La passante :
Dites, c'est pas un peu fini vos conciliabules ? Qu'est-ce que vous complotez avec votre Bible ? Vous allez me sortir une belle parole de propagande sans doute ? Vous allez me dire, comme au catéchisme : « Heureux ceux qui pleurent ! » ? Foutaise ! Eh bien quoi ? Vous dites plus rien ? Vous êtes muets comme des carpes maintenant ?... Vous avez trop chanté ? Vous avez bu la tasse en passant la Mer Rouge ?... Alors répondez quoi ? Mais pourquoi vous me regardez comme ça ? J'ai l'air de quoi maintenant... l'impression de fondre maintenant.

Prosélitix :
Elle fond en larmes : ça doit être la décomgélisation.

La passante :
Excusez-moi, je voulais pas être agressive, mais c'est dur vous comprenez. Il faut se battre tout le temps. Alors j'en ai eu marre, et c'est sur vous que c'est tombé ! Mais je vous en veux pas. Au fond je suis contente que vous soyez là...

Fonducoeur :
Ne vous en faites pas, c'est nous qui avons été maladroits. Mais on vous veut vraiment du bien vous savez. Et on se sent si petits devant ce que vous nous dites. Pardonnez-nous si nous n'avons pas su vous écouter.

La passante :
Au contraire, j'ai l'impression que c'est la première fois qu'on m'écoute. Et puis votre regard m'a touchée. J'ai l'impression que c'est la première fois qu'on me regarde sans me juger. Et puis, vous savez quoi ? Quand je vous ai tourné le dos, j'ai eu la certitude que Quelqu'un continuait à me regarder, et qu'il m'accompagnait. Allez, le feu est vert maintenant. A bientôt j'espère.

Prosélitix :
Ça a marché ! ça a marché ! sur les eaux. Je vais inscrire ça au palmarès de la mission du troisième millénaire, on va en reparler en cave tala et organiser une conférence en Dussane sur les techniques de l'Évangélisation missionnaire en plein Paris.

Récitant :
Ah ! ce cher Prosélitix ! Le voilà reparti de plus belle ! Tu peux dire merci à Fonducoeur. Car l'évangélisation sans la compassion, c'est comme une tête sans coeur. Et tiens ! Puisque tu aimes tellement les formules, Prosélitix, je vais t'en offrir une pour conclure : « on ne peut pas évangéliser avec la bouche ouverte et le coeur fermé, mais on peut évangéliser avec la bouche fermée et le coeur ouvert ! »

Prosélitix :
Mais alors la compassion et l'évangélisation, ça consiste à se laisser faire ? Où est le travail apostolique ? la mission ? Moi, quand je n'ai rien à faire, je ne tiens pas en place !

Fonducoeur :
Détrompe-toi, Prosélitix : se laisser faire par l'Esprit-Saint, c'est tout un travail de patience et d'abandon. Se rendre disponible à la volonté du Seigneur, c'est un sacré boulot. C'est même un boulot sacré ! Saisir une bonne occasion de se taire pour accueillir l'autre dans une vraie compassion : c'est un effort surhumain ! Que dis-je surhumain : surnaturel !

Prosélitix :
En tous cas, j'aurai au moins appris à évangéliser bouche fermée.

Fonducoeur :
Ça c'est un grand miracle !
P.C.




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