Le Mouvement Résurrection
Christophe Bourgeois
Nouveau : le site du mouvement, http://www.mouvement-resurrection.org/
Résurrection fut longtemps avant tout une aventure d'intellectuels. L'abbé
Charles, d'abord aumônier du Centre Richelieu à la Sorbonne de 1944 à 1959
puis recteur de la Basilique du Sacré-Coeur jusqu'en 1985, avait
rassemblé autour de lui de jeunes étudiants catholiques avides de
progresser dans l'intelligence du mystère. Il leur offrait à la fois une
formation, une émulation intellectuelle et l'occasion d'exprimer déjà dans
une revue une pensée personnelle nourrie de leur foi. C'est ce noyau de
jeunes talents, parmi lesquels figuraient des personnalités telles que J.
Duchesne, J.R. Armogathe1,
J.L. Marion ou R. Brague qui participa à la fondation de la branche
française de la revue Communio (1975). Mais le même abbé Charles avait
transmis aux étudiants qui fréquentaient le centre Richelieu le souci du
témoignage explicite de leur foi, sous la forme d'un « engagement
missionnaire » exigeant qu'il leur proposait de prendre au début de
l'année universitaire ; il communiqua ensuite le même zèle aux adorateurs
les plus fervents de la basilique de Montmartre.
Depuis plus d'une dizaine d'années, le Mouvement Résurrection tente de
poursuivre cette double tradition, qui lui paraît être encore aujourd'hui
une participation à la mission de l'Église universelle. Il se fonde donc
sur la réflexion menée discrètement par la revue ; il voit aussi
s'engager chaque année des « missionnaires » de tous âges qui donnent un
peu de leur temps à l'évangélisation, convaincus que tout homme, quel
qu'il soit, a besoin d'être sauvé par le Christ. D'une part, le travail
théologique est toujours à reprendre : on aurait tort de croire qu'il est
réservé aux seuls « spécialistes » ou qu'il constitue une sorte
d'apanage clérical. Par la grâce de leur baptême, certains jeunes laïcs
ont bien pour vocation d'approfondir l'enseignement de l'Église et les
moyens de le conceptualiser, afin de nourrir un dialogue fécond, à temps
et à contre-temps, avec la pensée contemporaine. Cette confrontation
exigeante les rend disponibles à la radicalité transformante de l'amour et
leur donne la capacité de transmettre à tous de façon vivante la
splendeur
de la Révélation.
D'autre part, la « nouvelle évangélisation », comme on aime à la
qualifier, impose aux laïcs de réfléchir à la fécondité apostolique de
leur vie chrétienne. Les baptisés participent de plein droit à la mission
de l'Église. Entendons par là qu'ils sont gagnés par le même élan qui
envoie le Fils partager la vie des hommes pour leur révéler le Père ; de
même que le Père envoie le Fils, le Christ envoie ses apôtres2 ; d'une manière analogue, les apôtres nous envoient,
nous pressant de sortir de nous-mêmes pour que jaillisse la Parole du
Ressuscité. Pour tous les baptisés, la mission est donc l'expression,
comme le dit Jean-Paul II dans Redemptoris Missio, du « dynamisme
de la vie trinitaire », qu'elle exprime et réalise dans la relation au
monde. Comme le précise l'ensemble du magistère (Lumen Gentium, Evangelii Nuntiandi et Redemptoris Missio pour ne citer que les
documents majeurs), cette fonction prophétique du baptisé s'exerce
conjointement par le témoignage de vie et par la parole. C'est dire
qu'elle n'est pas une pure présence au monde capable d'un rayonnement
passif sur les âmes. La mission requiert une annonce explicite de la foi.
Le charisme de Résurrection est sans doute d'accentuer l'aspect
« militant » de cette exigence missionnaire --- si l'on veut bien
accepter ce vocabulaire.
Les activités menées depuis des années, qui vont de la prédication de rue
jusqu'aux pèlerinages, en passant par le porte-à-porte, les débats, les
groupes de réflexion, le témoignage auprès des pauvres dans la détresse,
la visite d'église conçue comme une prédication apostolique, etc.
expriment une volonté d'aller au-devant de celui qui ne connaît pas (ou
pas assez) Jésus-Christ et son Église. Je ne crois pas cependant que ce
type d'action « militante » relève de l'activisme, elle rappelle plutôt
au baptisé cette injonction qui sourd de sa relation au Christ :
« malheur à moi si je n'évangélise pas ! » Or, ce dynamisme est d'abord
une contagion de la vie de grâce qui nous a saisis et qui nous amène à
désirer exactement en même temps la progression de la vie du Christ dans
notre coeur et dans celui de tous les hommes. Enraciné dans la prière et
la vie sacramentelle, nourri par une formation théologique adéquate, ce
souci du témoignage explicite et de la conversion du prochain fait entrer
dans la prière passionnée du Christ pour les hommes. Il est en même temps
un risque et une pauvreté, puisque la disponibilité à autrui et au Verbe
fait apparaître de manière criante l'écart qui nous sépare de ce que nous
annonçons. Ce dépouillement est souvent bien plus radical et plus
évangélique que l'utopie du témoignage silencieux que l'on a voulu
construire naguère. Dans une civilisation qui croit de moins en moins à la
parole, qui se méfie du débat ou, lorsqu'elle le pratique, estime
impossible qu'il permette d'entrevoir une vérité quelconque, il serait
suicidaire de se replier dans le silence et la solitude : Résurrection,
comme d'autres mouvements d'Église, est convaincu que les baptisés doivent
tous, au contraire, annoncer haut et fort cette Parole unique dont ils
sont les dépositaires. Au risque d'être un peu provocant, la situation
actuelle de l'Église oblige peut-être à ce que beaucoup choisissent d'être
autre chose que de simples « paroissiens » et contraint les mouvements à
donner les moyens concrets aux laïcs d'assumer une telle vocation.
C.B.