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Les tribulations de la date de Pâques





Sébastien Ray

Cette année 2002, Pâques tombe le 31 mars ; l'année prochaine ce sera le 20 avril, puis en 2004 le 11 avril... La fête de Pâques, et donc tout le carême, ainsi que l'Ascension et la Pentecôte, semblent fluctuer aléatoirement au cours des ans. Intéressons-nous à la manière dont est déterminée cette date si importante du calendrier liturgique.

Généralités

La date de Pâques est aujourd'hui déterminée d'après un calcul assez complexe, qui amène une date toujours située entre le 22 mars et le 25 avril. Ces deux dates sont assez rarement atteintes ; le 22 mars est atteint en 1598, 1693, 1761, 1818, 2285, et le 25 avril en 1666, 1734, 1886, 1943, 2038, 2190.

Historique

La fête de Pâques, commémorant la Résurrection du Christ, est célébrée depuis le début de la chrétienté, mais à l'origine, chaque Église avait une manière particulière de déterminer cette date. Certaines, comme l'Église d'Antioche, prenait le dimanche suivant la Pâque juive ; d'autres choisissaient plus simplement la date anniversaire de la Résurrection du Christ, ou le dimanche suivant. Cette dernière méthode posait problème, du fait de désaccords sur la date effective de la Résurrection.

Le Concile de Nicée, en 325, décida d'imposer une date unique pour toute la chrétienté, pour permettre à toutes les Églises de célébrer Pâques en même temps. Il fut donc décidé que cette fête serait le dimanche suivant la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps. Cette méthode présentait l'avantage de ne dépendre d'aucun système de calendrier particulier, mais uniquement de données astronomiques accessibles en tout point de la planète. Malheureusement, la date précise de l'équinoxe n'était alors pas calculable avec précision, aussi l'Église d'Alexandrie la plaçait-elle le 21 mars, et celle de Rome le 25... Des désaccords apparaissaient déjà. Certaines Églises refusèrent de se plier à cette règle de calcul: ainsi l'Église d'Irlande, qui fut au bord du schisme au VIIIème siècle pour cette raison !

La méthode de Nicée était certes universelle, mais elle était peu pratique ; en particulier, elle nécessitait de faire le calcul chaque année, puisque la durée des lunaisons fluctue et que les connaissances de l'époque n'étaient pas assez précises pour pouvoir prévoir la date de Pâques plus de quelques années à l'avance. Pour cette raisons, on introduisit au VIème siècle des simplifications dans cette méthode: on établit un calendrier perpétuel des lunaisons, en introduisant une valeur moyenne de la durée des lunaisons et en négligeant les fluctuations - qui sont en général de quelques heures. On utilisa pour cela le cycle dit de Méton: ce Grec avait remarqué que 19 années solaires correspondaient à quelques heures près à 235 lunaisons ; cette approximation reste valable sur une durée d'environ deux siècles. La date de l'équinoxe fut définivement fixée au 21 mars, et la pleine lune de Nicée fut remplacée par le 14ème jour de la lunaison fictive introduite plus haut. Ceci permettait un calcul relativement simple sur un grand nombre d'années.

Voici les grandes étapes de ce calcul:

- à chaque année est attribué un "nombre d'or" allant de 1 à 19: l'an 1 a pour nombre d'or 2, et l'on ajoute 1 chaque année, en revenant à 1 lorsqu'on a atteint 19. Ce nombre caractérise la place de l'année dans le cycle de Méton.

- ce nombre permet de calculer la répartition des lunaisons moyennes dans l'année, et de calculer un nombre appelé épacte, qui est l'âge théorique de la Lune à la veille du 1er janvier, étant entendu que 0 correspond à la nouvelle lune, et 29 au jour précédent la nouvelle lune.

- On calcule la lettre dominicale: numérotant les premiers jours de janvier par les lettres A, B, C, D, E, F, G, la lettre dominicale est celle du premier dimanche de l'année. Par exemple, pour 2002, le premier dimanche de l'année est le 6 janvier, et la lettre dominicale est donc F.

- Ceci fait, l'épacte permet de calculer le 14ème jour de la lunaison suivant le 21 mars, et la lettre dominicale permet de trouver le dimanche suivant, qui est choisi comme dimanche de Pâques.

Cette méthode est appelée méthode julienne, car elle correspondait au calendrier julien alors en cours ; elle est toujours employée dans la plupart des Églises orthodoxes. Son principal inconvénient est que le calendrier julien retarde sur l'année solaire, et donc que l'équinoxe de printemps tombe, au cours les siècles, de plus en plus tôt dans le calendrier --- aux environs du 10 mars au XVIème siècle. Par conséquent, l'approximation qui place l'équinoxe au 21 mars n'est plus valable. Lors de la réforme grégorienne du calendrier, mise en place en octobre 1582, on décida de modifier également le calcul de la date de Pâques. Le résultat fut peu satisfaisant, puisqu'on se contenta de modifier quelque peu le calcul des lunaisons moyennes, ce qui complique le calcul sans beaucoup améliorer sa précision.

Ainsi donc deux méthodes approximatives différentes sont utilisées ; la date julienne est généralement postérieure à la date grégorienne, puisque le calendrier julien retarde: dans les deux cas, Pâques est situé entre le 22 mars et le 25 avril, mais du fait du décalage des calendriers, les Pâques orthodoxes sont fêtées entre le 4 avril et le 8 mai du calendrier grégorien. Les deux Pâques sont éloignées, suivant les années, d'une, quatre ou cinq semaines, mais elles peuvent aussi être identiques. Ce désaccord est aujourd'hui anachronique, puisque les progrès en astronomie permettent désormais d'effectuer avec une grande précision les calculs de l'équinoxe et des lunaisons réelles sur une durée de plusieurs siècles ; on pourrait donc tout simplement revenir à la méthode de Nicée, ce qui mettrait tout le monde d'accord.

Calcul simplifié (?) pour la période 1900-2050

La méthode grégorienne de calcul de Pâques est assez complexe, mais peut être simplifiée si l'on travaille sur de courtes durées, de l'ordre d'un siècle. Voici une méthode de calcul valable sur 150 ans à une exception près, basée sur des cycles de 11 ans du calendrier grégorien:

Appelons a le nombre d'années écoulées depuis 1900.

1 - effectuer la division euclidienne de a par 11: a = 11b + k

2 - consulter le tableau ci-dessous pour obtenir les nombres n et I en fonction de k

3 - calculer 8-k-n, effectuer sa division euclidienne par 4, et appeler l le reste obtenu

4 - effectuer la division euclidienne de b par 4: appeler m son reste

5 - effectuer la division euclidienne de (b+l) par 4: appeler c son quotient

6 - calculer le nombre s, égal à 1 si m>n et à 0 si m£ n

7 - caculer J = I - 6c + s

Si J>0, Pâques est le J avril ; si J £ 0, Pâques est le (31-J) mars.

k 0 1 2 3 4 5
    <2000 ³ 2000 <1924 ³ 1924   <1981 ³ 1981  
n 0 1 2 3 0 1 3 0 1
I 15 7 35 -2 26 12 3 31 23
k 6 7 8 9 10
  <2038 ³ 2038 <1962 ³ 1962   <2019 ³ 2019 <1943 ³ 1943
n 3 3 0 1 3 0 0 1 2
I 14 42 -1 28 19 10 38 -4 24

Exemple: 2002: a=102

b=9, k=3

n=1, I=12

8-n-k=4 : l=0

m=1

b+l=9 : c=2

m=n : s=0

J=12-6× 2=0

On a donc bien Pâques le 0 avril, soit le 31 mars.

Notons que ce calcul est faux d'une semaine pour l'année 1981: il donne le 26 avril alors que Pâques était cette année-là le 19.

Bien sûr, si vous avez l'esprit paresseux ou que l'arithmétique n'est pas votre fort, vous pouvez plus simplement consulter un tableau1 donnant directement la date pour chaque année...

S.R.


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