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La miséricorde de Dieu dans l'Ancien Testament





Nathalie Ray

Dans l'Ancien Testament, Yahvé est généralement perçu comme Yahvé Sabaoth, le Dieu des Armées, un Dieu de guerre, de sang versé, mais aussi de colère et de vengeance. Cependant, les différents rédacteurs de l'Ancien Testament on su également y faire apparaître un Dieu d'amour, de miséricorde, de pardon.

Dieu, l'homme et le péché originel

Le péché originel, la chute d'Adam et Ève, se rapporte au seul commandement que Dieu leur avait donné: ne pas toucher aux fruits de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Le deuxième péché évoqué par la Genèse est un péché contre l'homme, le meurtre d'Abel, suivi par un péché contre Dieu, le mensonge de Caïn. Le péché contre l'homme est alors, aux yeux de Dieu, un péché contre Lui-même.

Apparaissent donc, dès les premières pages de l'Ancien Testament, les deux types de péchés commis par l'homme et qui seront la source de nombreux conflits entre Yahvé et son peuple. Y apparaît également l'attitude de Dieu face au péché: dès que celui-ci est commis, Dieu questionne: « Où es-tu ?1 », « Où est ton frère Abel ?2 ». Deux questions qui invitent Adam et Caïn à avouer leur faute, à les reconnaître et à se repentir. Dieu fait toujours le premier pas vers l'homme pécheur. À celui-ci de le voir ou non, d'y répondre ou non.

Adam et Ève avouent leur faute, mais n'en prennent pas la responsabilité, celle-ci retombant sur le serpent... Yahvé les chasse alors du jardin d'Éden: les hommes, de par leur péché et conscients de leur impureté, ne peuvent plus se présenter devant Dieu et perdent donc leur familiarité avec Lui. Cependant, Dieu ne les maudit pas eux, mais le serpent: le retour vers Dieu reste possible. Il annonce même la future victoire du Mal sur le Bien, la venue du Christ: « Il t'écrasera la tête3. » Par contre, Caïn n'avoue pas sa faute et Dieu le maudit: le retour vers Dieu n'est donc possible que si l'homme reconnaît sa faute, thème récurrent dans tout l'Ancien Testament.

Suite au péché originel, l'homme et le mal se répandent,« Yahvé se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre et il s'affligea dans son coeur4 », d'où le déluge. Mais Dieu reconnaît le coeur de l'homme mauvais par nature et conclut une alliance 5.

L'alliance de Yahvé avec Israël

Au cours des livres du Pentateuque, Yahvé contracte plusieurs alliances avec les hommes, réduisant au fur et à mesure son choix amoureux au peuple d'Israël: une alliance avec toute la Création, après le déluge meurtrier 6 ; une alliance avec Abraham le juste et toute sa descendance 7 ; et une alliance particulière et renouvelée avec le peuple d'Israël qu'Il a sorti d'Égypte, au Mont Sinaï 8.

Ces alliances, signes de son amour pour son peuple, sont de l'initiative de Dieu seul, qui s'engage envers les hommes. Il leur promet une terre, dans l'alliance avec Abraham, ou la victoire d'Israël sur les autres nations, dans l'alliance avec Moïse 9. Il n'exige en retour que la fidélité d'Israël, au milieu de tous les autres dieux adorés par les peuples alentours, avec qui ils vont se battre ou vivre en paix. Afin de rappeler à son peuple cette alliance, Il lui donne tout d'abord le signe de la circoncision, puis les tables de la Loi et le Décalogue, lois qui permettront à Israël de vivre heureux et de lui rester fidèle: « Puisses-tu écouter, Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux et te multipliera, ainsi que te l'a dit Yahvé, le Dieu de tes pères, en te donnant une terre qui ruisselle de lait et de miel10. »

La justice de Yahvé

Le principal péché d'Israël devient alors l'infidélité à son Dieu, le refus de l'alliance, la rupture du lien d'amour formé par Dieu pour son peuple. Les défaites et l'oppression d'Israël sont expliquées, dans les livres des Juges et de Samuel, par l'impiété ; les victoires sont interprétées comme la conséquence d'un retour à Yahvé. La rupture de l'alliance par Israël provoque donc apparemment la colère de Yahvé et appelle le châtiment divin, annonce le malheur.

Yahvé est considéré comme un Dieu juste, punissant les pécheurs et préservant les justes: « Je vous offre aujourd'hui bénédiction et malédiction. Bénédiction si vous obéissez aux commandements de Yahvé votre Dieu, que je vous prescris aujourd'hui, malédiction si vous désobéissez aux commandements de Yahvé votre Dieu, si vous vous écartez de la voie que je vous prescris aujourd'hui11. » C'est ce que montrent des passages comme la destruction de Sodome 12, où Dieu ne préserve pas la ville à cause des quelques justes qui y habitaient, comme le lui demandait Abraham, car il n'y avait pas dix justes dans Sodome, mais préserve tout de même Lot et sa famille qui ont accueilli ses anges.

Les hommes pécheurs peuvent se repentir de leurs fautes et Yahvé, dans sa justice, en tient compte. C'est ce qui a été révélé à Moïse au Sinaï, lorsque Yahvé passa devant lui: « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère et riche en grâce et en fidélité ; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché mais ne laisse rien impuni13. » Et, de fait, Yahvé lui pardonne ses manquements mais ne lui permet pas, ni à Aaron, d'entrer en terre promise, d'où le Psaume 99: « Dieu de pardon tu étais pour eux, mais te vengeant de leur méfait. »

La miséricorde de Yahvé

Cependant, la justice de Yahvé n'exclut pas sa miséricorde. En effet, Dieu pardonne à ceux qui se convertissent: il y a là une part de justice, puisque Dieu prend en compte le repentir de l'homme, mais également de la miséricorde puisque, grâce à ce repentir, Dieu efface totalement les fautes commises précédemment: « Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront14. »

Le péché est une offense faite à Dieu et seul Dieu peut l'absoudre. Le pécheur a donc recours à la grâce divine en se repentant ; ce repentir est nécessaire puisque Dieu ne peut pardonner quelqu'un refusant de reconnaître et d'accueillir sa miséricorde: « Car mon péché, moi, je le connais, ma faute est devant moi sans relâche ; contre toi, toi seul, j'ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l'ai fait15. »

Seul Dieu également peut, suite au pardon qu'il nous donne, faire changer notre coeur: « Dieu, crée pour moi un coeur pur16 », « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, de toutes vos souillures et de toutes vos ordures, je vous purifierai. Et je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair17. »

Dieu ne veut pas la ruine totale de son peuple, Il veut accomplir ses promesses envers lui et permet, à chaque catastrophe que subit Israël, que certains subsistent (exil à Babylone), se rendent compte de leurs erreurs, se convertissent, que Yahvé les pardonne et renouvelle ses promesses envers Israël: les châtiments divins encourus par le peuple infidèle sont donc le moteur de sa conversion et constituent, au final, un bien.

Un exemple de ce pardon de Yahvé est le livre de Jonas: Dieu veut que la ville de Ninive revienne à Lui et lui envoie pour cela le prophète Jonas: Dieu pardonne aussi bien à celui-ci qui ne veut pas faire ce qu'Il lui demande, en le sauvant lors de la tempête, qu'à Ninive qui se convertit. Il repart également à la recherche de Jonas égoïste qui ne comprend pas ce pardon. La miséricorde divine est donc universelle.

Cependant, Israël ne cesse de se convertir et de retomber dans le péché au cours des générations. L'alliance conclue sur le Mont Sinaï se révèle donc comme un échec, d'où l'annonce d'une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes.

Annonce d'une nouvelle alliance de Dieu avec les hommes

L'annonce de cette nouvelle alliance apparaît dans les prophètes postérieurs (fin de l'Ancien Testament). Elle est le plus souvent présentée comme une nouvelle alliance de Dieu avec l'épouse infidèle. En effet, Yahvé aime son peuple, comme une Bien-Aimée 18, comme une femme qu'il a épousée de par l'ancienne alliance. Mais cette femme, pécheresse, adultère, s'éloigne de lui. Yahvé, persévérant, la répudie et la chasse au désert ; là, sans même un geste de repentance de sa part, il veut la séduire de nouveau et célébrer avec elle de nouvelles fiançailles, effaçant ainsi tout son passé, lui redonnant une virginité, la faisant devenir une créature nouvelle19. Gratuitement, uniquement par amour et par miséricorde, Dieu va donc conclure avec son peuple une nouvelle alliance: « J'agirai envers toi comme tu as agi, toi qui as méprisé le serment jusqu'à violer une alliance. Mais moi, je me souviendrai de mon alliance avec toi au temps de ta jeunesse et j'établirai en ta faveur une alliance éternelle. [... ] C'est moi qui rétablirai mon alliance avec toi, et tu sauras que je suis Yahvé, afin que, [...] dans ta confusion, tu sois réduite au silence, quand je te pardonnerai tout ce que tu as fait20

Pour cette nouvelle alliance, Yahvé promet d'offrir aux hommes les qualités de coeur permettant son maintien éternel possible: justice, droit, tendresse, miséricorde, fidélité 21. La Loi sera donc écrite non sur des tables de pierre mais sur le coeur des hommes: « Tous me connaîtront, des plus petits jusqu'aux plus grands... parce que je vais leur pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché22. » Cette nouvelle alliance est présentée comme le Royaume de Dieu, comme une ère de bonheur inouï, établie et gouvernée par un représentant de Yahvé sur la terre, le Messie.

Ainsi, dans l'Ancien Testament, les malheurs qui tombent sur Israël sont perçus, par les rédacteurs des livres historiques, non comme un châtiment dû à la colère de Dieu mais plutôt comme un moyen de faire revenir Israël vers lui, pour que dans son amour miséricordieux, Yahvé puisse lui pardonner le péché qu'il a commis en étant infidèle à Dieu et aux Lois qu'Il lui avait données. Mais ce pardon ne suffit pas aux hommes qui retombent dans le péché: Dieu leur prépare donc une alliance nouvelle et éternelle, qui s'accomplira dans le Nouveau Testament avec la mort et la résurrection du Christ, Messie humilié et rédempteur.

N.R.



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