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«N'ayez pas peur !»

Jean-Paul II







Ceci est un extrait de Entrer dans l'espérance, p.320-323.





Et puis le 13 mai 1981 est arrivé. Quand j'ai été atteint par la balle de mon agresseur sur la place Saint-Pierre, je ne me suis pas rendu compte immédiatement que nous fêtions justement l'anniversaire du jour où Marie était apparue aux trois enfants de Fatima, au Portugal, pour leur transmettre les messages qui, alors que la fin de ce siècle approche, se révèlent sur le point d'être confirmés.

Lors d'un tel événement, le Christ n'a-t-il pas encore une fois prononcé son «N'ayez pas peur !» ? N'a-t-il pas répété à cette occasion son message pascal à l'intention du Pape, de l'Église et, au-delà, à l'attention de toute la famille humaine ?

À la fin du deuxième millénaire, nous avons plus que jamais besoin d'entendre cette parole du Christ ressuscité : «N'ayez pas peur !». C'est une nécessité pour l'homme aujourd'hui qui, même après la chute du communisme, ne cesse pas d'avoir peur en son for intérieur et non sans raisons. C'est une nécessité pour les nations qui renaissent, une fois libérées du joug soviétique, mais aussi pour celles qui assistent de l'extérieur à cette expérience. C'est également une nécessité pour tous les peuples et toutes les nations du monde entier. Il faut que, dans la conscience de chaque être humain, se fortifie la certitude qu'il existe Quelqu'un qui tient dans ses mains le sort de ce monde qui passe, Quelqu'un qui détient les clefs de la mort et des enfers1, Quelqu'un qui est l'Alpha et l'Oméga de l'histoire de l'homme2, qu'elle soit individuelle ou collective ; et surtout la certitude que ce Quelqu'un est Amour3, l'Amour fait homme, l'Amour crucifié et ressuscité, l'Amour sans cesse présent au milieu des hommes ! Il est l'Amour eucharistique. Il est source inépuisable de communion. Il est le seul que nous puissions croire sans la moindre réserve quand Il nous demande : «N'ayez pas peur».

Vous notez que l'homme contemporain a de la peine à revenir à la foi, parce que les exigences morales qui en découlent l'effraient. Dans une certaine mesure, c'est fondé : oui, l'Évangile comporte des exigences. À cet égard, le Christ n'a jamais bercé d'illusions ni ses disciples, ni ceux qui L'écoutaient. Au contraire, avec une grande fermeté, Il les a préparés à affronter toutes sortes de contradictions intérieures et extérieures, en n'excluant jamais qu'ils pourraient décider de L'abandonner. S'Il affirme cependant : «N'ayez pas peur !», Il ne dit pas cela pour minimiser ses exigences d'une façon ou d'une autre. Bien au contraire, Il confirme par là toute la vérité de l'Évangile et toutes les obligations qui en découlent. Mais Il révèle en même temps que ces exigences ne dépassent pas les forces de l'homme. Si l'homme accepte ces implications de sa foi, il trouve alors, dans la grâce que Dieu ne lui refuse pas, la force qui lui permet de faire face. Le monde déborde de preuves de l'action de cette force rédemptrice, que les évangiles annoncent avec bien plus de clarté qu'ils n'imposent des exigences morales. Il y a dans le monde tant d'hommes et de femmes dont la vie témoigne qu'il est possible de mettre en pratique tout ce que demande la morale évangélique ! De plus, l'expérience prouve qu'une vie humaine ne peut réussir qu'à leur exemple.

Accepter les exigences évangéliques, c'est assumer toutes les dimensions de sa propre humanité, y discerner la beauté du dessein de Dieu, en reconnaissant la réalité de toutes les faiblesses humaines, à la lumière de la puissance même de Dieu : «Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu.4»

On ne peut pas séparer les exigences morales proposées à l'homme par Dieu de l'exigence de l'amour rédempteur, c'est-à-dire du don de la grâce que Dieu lui-même en un sens s'est engagé à accorder. Qu'est-ce que le salut apporté par le Christ, si ce n'est précisément cela ? Dieu veut sauver l'homme, Il veut l'accomplissement de l'humanité selon la mesure qu'Il a Lui-même fixée. Et le Christ est fondé à dire que le joug qu'Il met sur nos épaules est doux et son fardeau, en fin compte, léger5.

Il est capital pour l'homme d'entrer dans l'espérance, de ne pas s'arrêter sur le seuil, et de se laisser guider. Je pense que le grand poète polonais Cyprian Norwid, qui décrivait ce qu'il découvrait au plus intime de l'existence chrétienne, a parfaitement exprimé cette réalité : «Nous ne marchons pas à la suite du Sauveur en portant sa croix, mais nous suivons le Christ qui porte la nôtre6.» Voilà pourquoi la vérité sur la Croix peut être qualifiée de «Bonne Nouvelle»...
J-P.II

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