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Souvenir d'un 11 novembre...

Sylvain Perrot




Notre reporter émérite, après des vacances bien méritées non loin des contrées où avait officié saint Sylvain, est revenu dans sa bonne vieille France où, quoique fort occupé, il a pu rencontrer un des patrons secondaires de la France -- excusez du peu ! --, saint Martin de Tours. Mais, sans plus attendre, voici l'interview exclusive d'un saint qui sera fêté prochainement1.






Sénevé --- Votre Sainteté, bonjour et merci de nous recevoir.

Martin --- ???

S --- Oh pardon ! Où ai-je la tête ? Ave Martine : rogaturus te salutat2 !

M --- Ave carissime Sénevé !

S --- Primum, possisne nobis vitam tuam exponere ?3

M --- Eh bien, je suis né en Pannonie en 316, d'après votre calendrier.

S --- Est-ce qu'il y avait beaucoup de chrétiens ?

M --- Pas vraiment, et on peut même dire qu'il n'y avait pas beaucoup de nonnes. Mais trêve de plaisanteries ! Si je suis né en Pannonie, j'en suis parti assez vite car il me fallait suivre mon père qui était un bon Romain. Il croyait en l'Empire, et il s'était engagé dans l'armée, où il était tribun militaire.

S --- Vous êtes d'une famille de chrétiens ?

M --- Loin s'en faut ! Mon père sacrifiait aux dieux de l'Empire. Et même si les chrétiens, à ma naissance, sont dans une paix relative, les grandes persécutions ne sont pas très loin. L'Édit de Milan n'avait que trois ans quand je suis venu au monde !

S --- L'Édit de Milan ?

M --- Oui, c'est une lettre des deux chefs de l'Occident et de l'Orient qui ont décidé d'accorder la liberté de culte aux chrétiens.

S --- Mais comment êtes-vous devenus chrétiens alors ?

M --- Je n'ai jamais été adepte des cultes païens, car j'avais entendu très tôt l'appel de Dieu. Du coup, très jeune, je me rendais dans les assemblées de fidèles, même si papa n'était pas ravi...

S --- Et c'est à ce moment-là que vous avez reçu le baptême ?

M --- Non, car papa m'a vite envoyé servir dans l'armée. Mais comme je pouvais choisir où servir, j'ai décidé de partir dans les Gaules.

S --- Mais je crois savoir que les camps romains ne sont pas réputés pour leur ascèse méditative ?

M --- Pas vraiment. Mais j'ai résisté !

S --- Vous pouviez continuer à pratiquer votre foi ?

M --- C'est ce que je me suis efforcé de faire. D'ailleurs, je crois qu'on raconte souvent une anecdote sur moi qui pourrait illustrer ma piété.

S --- Ah oui, le manteau ?

M --- En effet. Un jour de grand froid, en plein hiver, j'ai rencontré un pauvre au bord de l'hypothermie. Je n'avais malheureusement pas une pièce sur moi. Et quand j'ai vu tous ces gens qui passaient sans même lui accorder un regard, j'ai compris que Dieu m'adressait un signe : c'était à moi de le faire. Le Christ n'a-t-il pas dit : «J'étais nu, et vous M'avez couvert» ? Je n'avais sur moi que mon manteau et mon épée : donc j'ai pris mon épée et j'ai coupé mon manteau en deux.


Photographie de l'événement

S --- C'est pour cela que l'on vous représente avec comme attributs un manteau et une épée ?

M --- Oui, et d'ailleurs, comme je l'ai déjà raconté à mon ami Sulpice4, la nuit suivante, j'ai vu en songe le Christ vêtu de cette fameuse moitié de manteau qui disait à Ses anges : «C'est Martin, encore simple catéchumène, qui M'a ainsi couvert». Et alors j'ai été sûr : je me suis fait baptiser et j'ai obtenu mon congé de l'armée vers 20 ans.

S --- Et comment avez-vous fait pour évangéliser les Gaules ?

M --- Après quelques mois d'errance, je me suis retrouvé à Poitiers, où j'ai rencontré un très grand évêque, le futur saint Hilaire. Et alors j'ai senti ma vocation de missionnaire. J'ai converti ma mère et j'ai montré mon attachement à la foi de Nicée.

S --- Vous aviez un point d'attache ?

M --- Oui, j'ai fondé près de Poitiers le monastère de Ligugé, le premier des Gaules.

S --- Et quand vous êtes-vous installé à Tours ?

M --- Quand on m'a proposé le siège épiscopal de la ville. mais au début, je me suis montré très réticent. Et puis, j'ai fini par accepter. Mais je ne pouvais pas tenir en place : j'ai arpenté les chemins de mon diocèse, mais bientôt les limites m'en parurent trop petites !

S --- Et alors vous êtes parti sur les routes des Gaules, d'où votre surnom d'«Apôtre des Gaules» ?

M --- En effet, rien ne m'a arrêté : fleuves, montagnes... Bien au contraire, toute la création divine m'a aidé dans ma tâche. Et puis Dieu m'a rappelé auprès de lui, quand j'étais dans ma 81ième année...

S --- Bel âge !

M --- Merci ! Je me souviens, c'était un 8 novembre... et trois jours après, j'étais enterré.



S --- Et donc vous n'avez pas connu la guerre de 14 ?

M --- Pas directement en tout cas...
S. P.



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