Pâques 2003 : Tradition



Le temps des premiers disciples est révolu : nous sommes irrémédiablement de ceux qui, de leurs propres yeux, n'ont pas vu. Et nos yeux, si aveugles, à l'instar de ceux des disciples d'Emmaüs (« leurs yeux étaient empêchés de Le reconnaître », Luc 24, 16), y auraient-ils d'ailleurs suffi ? Il fallait donc bien, dès les premières années du christianisme, transmettre ces événements, aux contemporains comme aux générations ultérieures. C'est l'acte de naissance de la tradition : « que sachent ceux qui n'ont pu voir ! ». Mais relater, de vive voix ou par écrit, est-ce suffisant ? Le Christ lui-même ne doit-il pas s'employer, sur le chemin d'Emmaüs, à interpréter («diérmèneusen », Luc 24, 27) pour nous, éternels aveugles, cet événement comme étant l'Avènement ? « Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. » (idem). Cette plénitude du sens, l'Eglise la reçoit en héritage.

Mais avec la prolongation de l'attente de la Parousie, un rapport complexe de la tradition au temps s'établit. La tradition est d'abord et avant tout comprise comme fidélité, sur le modèle de la religion juive. Fidélité à la parole originaire, mais aussi fidélité à l'enseignement des Pères. N'est-ce pas un dépôt précieux qui nous est transmis, une parole originelle, à la fois dans et hors le temps, qui donne valeur au présent ? Mais l'image, comme toute image, n'est pas parfaite. Car, d'âge en âge, le dépôt s'enrichit autour d'un noyau irréfragable, grâce aux travaux conciliaires, à la réflexion théologique, à la pratique des fidèles. La graine est destinée à porter du fruit. Ecrire un Sénevé sur la tradition, c'est donc nécessairement écrire un Sénevé sur le sénevé, cette semence lourde de promesses. Car il ne s'agit pas de rester prisonnier d'un passé sclérosant, mais de faire fructifier au présent le sens de la Révélation. La tradition est donc, pour l'Eglise vivante, un principe régulateur et la réalisation présente et homogène du sens originel.

M.-È. B., P. L.

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