Toussaint 2003 : Le corps
La mentalité contemporaine a une conception et un rapport au corps extrêmement
ambigus et contradictoires. D'un côté, elle voue un «culte» au corps jeune
et beau, et l'envisage uniquement dans l'optique d'une jouissance conçue
comme fin en soi, en le coupant totalement du spirituel ; dans notre
société qui privilégie
l'apparence, il est facile de céder à la tentation de réduire son être à son
seul corps, vu à travers la perception qu'en ont les autres. D'un autre
côté cependant, cette situation qui ne correspond pas à la
réalité de nos êtres engendre un malaise pour beaucoup dans leur rapport
avec leur propre corps, qui n'est jamais conforme à l'idéal rêvé.
Cette mentalité ambiante perturbe de nombreux chrétiens qui ont alors
tendance soit à déprécier le corps (qui par nature nous
éloignerait de Dieu, par opposition à l'esprit qui serait tourné vers Dieu),
soit même à ignorer simplement les valeurs chrétiennes concernant ce qui a
trait au corps (en particulier la sexualité).
Cependant, cette opposition de l'âme et du corps est inconcevable dans une
vision chrétienne authentique de
l'Homme, créé un dans son corps et son âme par Dieu. Le christianisme,
dans la tradition biblique, insiste sur l'unité de la personne,
qui se doit d'être tout entière tournée vers Dieu, y compris donc
en son corps : «Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le
corps.» (1 Co 6 13) Le message chrétien s'adresse à chacun de
nous en tant que personne, dans la totalité
de notre être. Il suppose une certaine ascèse, qui ne consiste pas à
brimer notre corps, mais à lui donner une juste place pour éviter d'en
devenir l'esclave.
Ainsi, loin de négliger le corps, le christianisme se distingue même parmi
les religions par la valorisation qu'il lui accorde.
Non seulement la charité chrétienne est attentive au corps (spécialement au
corps souffrant, à l'exemple de Jésus lui-même), mais plus profondément,
la place privilégiée du corps dans notre relation à Dieu est liée à
l'Incarnation, mystère central du christianisme : «Le Verbe s'est fait
chair, et Il a habité parmi nous.»
Et cette chair est l'instrument de notre rédemption :
le Christ a souffert sa Passion dans sa chair pour nous apporter le salut,
en offrant son corps en sacrifice sur la Croix, et il nous le livre dans
l'Eucharistie, faisant de nous corporellement des «temples du Saint-Esprit»,
membres du corps mystique du Christ qui est l'Église.
Enfin, notre corps, destiné à ressusciter à la suite du Christ --- c'est
là un fondement de notre foi --- tient encore une place centrale dans notre
espérance de la béatitude
éternelle auprès du Seigneur, dans laquelle Marie nous précède, elle qui,
dans son Assomption, fut «élevée corps et âme à la gloire du Ciel».
Arnaud Basson et Pascal Molin
Le corps
Talassades